Les premiers exilés sont arrivés en provenance du camp illégal de Basroch, distant de 1,5 km, où vivent dans des conditions sordides un millier de personnes, surtout des Kurdes irakiens.
"C'est un grand jour plein d'humanité", a déclaré le maire écologiste de la ville Damien Carême. "Je pallie une faille de l'Etat", a-t-il ajouté, expliquant qu'il ne pouvait plus "supporter les images de ce camp et de ces enfants".
Le gouvernement, qui cherche à répartir les migrants présents par milliers dans le nord de la France sur l'ensemble du territoire, s'est déclaré hostile à l'ouverture du nouveau camp, dit de la Linière.
"La politique de l'Etat n'est pas de reconstituer un camp à Grande-Synthe, mais bien de le faire disparaître" pour offrir des "solutions individuelles" aux migrants, avaient indiqué à la mi-février les autorités françaises.
Selon M. Carême, le "bras de fer" avec l'Etat s'est poursuivi lundi, les autorités exigeant une inspection de sécurité avant l'arrivée des migrants.
"Je n'imaginais pas qu'ils étaient capables d'aller si loin en me mettant autant de bâtons dans les roues", a protesté le maire, qui a signé un arrêté garantissant la conformité des lieux avec les exigences de sécurité malgré l'avis contraire de policiers et de pompiers.
Le nouveau camp monté par Médecins sans frontières (MSF) est constitué de petits bungalows en bois chauffés, pouvant loger quatre personnes, et doté d'une cuisine communautaire et d'une école. Il sera géré par une association locale, Utopia56.
Il répond, selon MSF, aux normes internationales fixées par le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) concernant les conditions d'hygiène notamment (nombre de sanitaires, point d'eau...).
"Il y a aujourd'hui 220 cabanons disponibles, pouvant loger au moins 1.500 personnes. On espère en avoir 375 à court terme", soit une capacité de 2.500 places, selon la coordonnatrice de MSF, Angélique Muller.
Le camp de la Linière doit coûter 3,1 millions d'euros dont 2,6 millions financés par MSF, le restant l'étant par les collectivités locales.
Le camp ne sera pas clôturé: "On ne veut pas d'une prison à ciel ouvert", ont martelé MSF et la mairie.
- Roses blanches -
Alors qu'un camp s'ouvre, les travaux de démantèlement de la partie sud de la "jungle" de Calais, à une quarantaine de km de là, ont repris lundi pour la deuxième semaine consécutive sous haute protection policière.
Selon différentes sources, entre 3.700 et 7.000 migrants au total, surtout syriens, afghans et soudanais, sont installés dans le plus grand bidonville de France d'où ils espèrent pouvoir rallier l'Angleterre voisine.
Suspendues pendant le week-end, les opérations se déroulaient sous l'oeil de migrants maintenus à distance par un cordon de policiers.
Des enfants ont tenté d'offrir des roses blanches aux forces de l'ordre qui sont restées de marbre. Des manifestants pacifiques portaient des pancartes "Pays européens, où sont les droits de l'homme?".
Un peu plus de 2 hectares sur les 7,5 qui doivent être rasés ont déjà été démantelés depuis le 29 février, selon les autorités françaises qui ont proposé aux migrants d'être relogés dans des refuges installés partout en France.
Mais ces derniers ne veulent pas partir et demander l'asile en France, car ils conservent l'espoir de pouvoir passer en Angleterre.
La partie sud de "La Jungle" abrite entre 800 et 1.000 migrants selon le gouvernement français, mais près de 3.500 d'après les associations.
Lundi, environ 500 Calaisiens ont manifesté à Paris pour demander que la région soit reconnue "en état de catastrophe économique exceptionnelle".
"On est ni pour ni contre les migrants", a insisté auprès de l'AFP Antoine Ravisse, qui préside l'association "grand rassemblement du Calaisis".
Les commerçants de la ville portuaire de Calais veulent seulement qu’on rétablisse l'image de Calais en France, en Europe, un peu partout", dit-il, en déplorant une baisse de chiffre d'affaires pouvant aller jusqu'à 40% pour certains.
Avec AFP