Un roi ivoirien vole au secours de la cathédrale Notre-Dame

Le roi Amon N'Douffou V, roi de Krindjabo, capitale du royaume de Sanwi, dans le sud-est de la Côte d'Ivoire, en 1992.

"C'est fait !": Amon N'Douffou V, roi du Sanwi, dans le sud-est de la Côte d'Ivoire, a apporté sa contribution à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, récemment ravagée par un incendie. Louis Aniaba, un prince de ce royaume, y avait été baptisé au XVIIe siècle.

Flanqué d'une forte escorte de notables, le roi vêtu d'un pagne multicolore, portant longue chaîne et couronne en or, a annoncé la "bonne nouvelle" à "son peuple", lors d'une cérémonie à Krindjabo, la capitale du royaume sanwi.

Son apparition sur l'estrade de la cour royale a été précédée du son du cor et de la danse "abôdan", un rythme du terroir agni, une des principales populations de l'est du pays.

Assis majestueusement sur son trône en bois d'ébène, les pieds ornés des "abodjés", (chaussures royales ornées de parures en or) sur un tapis en peau de panthère, le roi donne des nouvelles de son récent voyage en France.

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"Le roi est parti en France et s'est incliné au nom de tout le peuple sanwi sur la cathédrale qui avait pris feu et il a fait des prières", raconte son porte-parole, Olivier Kattié, assis à sa gauche, car le souverain ne peut s'exprimer en public.

"Le roi a fait un geste symbolique fort, parce que la France seule peut reconstruire sa cathédrale. Cependant cette cathédrale qui a brûlé, c'est une partie du Sanwi qui a brûlé. Le roi ne peut rester insensible à cela", raconte-t-il, sans révéler la nature ni le montant du don.

Le montant ? "Quand le roi ferme son poing, à l’intérieur on ne sait pas ce qui s'y trouve", explique le porte-parole.

Cependant, pour les plus sceptiques, le roi a insisté sur les "relations juridiquement existantes entre la France et le royaume du Sanwi", pour justifier ce don.

Premier capitaine noir

Le 4 juillet 1843 à Assinie, la France, représentée par le lieutenant de vaisseau François Fleuriot de Langle, a signé un traité de protectorat avec le roi Amon Ndouffou II du Sanwi qui lui confia sa souveraineté externe afin de le protéger contre les Anglais. En retour le roi conservait sa souveraineté interne sur ses 8.000 kilomètres carrés de terres et sur son peuple.

Ce traité fut ratifié par un décret français le 10 juin 1887 signé à Paris, et il n'a jamais été résilié.

Mais les premiers liens entre la France et le Sanwi sont plus anciens.

En 1687, le prince Aniaba, noble local, fut emmené en France, à l'âge de 15 ans, par le chevalier d’Amon, en gage de fidélité à Louis XIV.

Il fut baptisé par Bossuet et prit le prénom de son parrain: Louis. Il devint Louis Aniaba, puis fut nommé officier dans le régiment royal, avec le grade de capitaine - ce qui fit de lui le premier Noir capitaine de l'armée française.

Louis XIV le distinguera de l’Ordre de l’Etoile de Notre-Dame et le 12 février 1701, il reçut les insignes de son ordre dans la cathédrale Notre-Dame avant de repartir en Côte d'Ivoire.

"Tous les enfants du Sanwi prient pour que cette reconstruction aboutisse et que les prières venant de celle-ci (Notre-Dame) protègent aussi le Sanwi et la Côte d'Ivoire à quelques mois de la présidentielle de 2020", a déclaré le souverain.

Prince Mickael Jackson

Le petit village de Krindjabo, au coeur de la forêt, compte aussi une autre célébrité parmi ses "enfants". En 1992, Michael Jackson y avait été fait "prince" et "fils".

Au lendemain du décès du chanteur de "Thriller" en 2009, les notables du royaume avaient réclamé son corps afin que "Michael Jackson Amalaman Anoh", leur "prince", soit enterré dans leur capitale, Krindjabo, où des "funérailles" avaient été organisées.

Le roi prévoit d'ériger une stèle à Michael Jackson pour que "chaque année à l'occasion de l'anniversaire de sa mort, ses fans viennent découvrir 'son village' et le royaume du Sanwi".

Le village est devenu un lieu de pèlerinage des Afro-Américains à la recherche de leurs racines, après des tests ADN.

En marge d'une rencontre avec l'équipe de l'AFP, le roi a reçu la visite d'une trentaine d'Afro-Américains qui ont fait le déplacement à Krindjabo pour "saluer le souverain, gardien de nos traditions".

"Quand nous revenons ici, ce n'est pas en simples touristes, nous revenons chez nous pour prendre de la force. On nous a enlevés d'Afrique peut-être, mais on n'a jamais enlevé l'Afrique de nous", explique à l'AFP la cheffe de délégation, Ama Mazama, originaire de la Guadeloupe et professeure d'université aux Etats-Unis.

Cette visite intervient après celle, il y a dix ans, du révérend Jesse Jackson, "intronisé dignitaire du royaume" du Sanwi et fait à son tour "Prince", en vertu du lien qui unit le pasteur noir américain à la famille de Michael Jackson.