Une cinquantaine de militants d'opposition arrêtés au Cameroun

La police anti-émeute patrouille dans une rue de la ville anglophone de Buea, Cameroun, 1er octobre 2017.

Le climat politique s'est tendu au Cameroun depuis la proclamation lundi de la réélection de Paul Biya, avec plusieurs conférences de presse interdites, le QG d'un parti d'opposition "saccagé, et une cinquantaine de ses militants arrêtés samedi.

L'arrestation a eu lieu lors d'une marche non autorisée.

Samedi, une marche à Douala de militants du parti de Maurice Kamto, candidat malheureux à la présidentielle qui conteste les résultats officiels et s'estime vainqueur, a tourné court avec l'arrestation d'une cinquantaine de militants à Douala, selon le parti.

"Ce jour, arrestations massives des militants (Me Michèle Ndoki et une cinquantaine d'autres) et sympathisants manifestant pacifiquement", a posté sur Facebook Olivier Bibou-Nissack, porte-parole de l'ex-candidat à la présidentielle du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).

Parmi ceux-là figure un des avocats de M. Kamto, Michèle Ndoki, qui avait plaidé mi-octobre devant le Conseil constitutionnel pour dénoncer des "fraudes massives et systématiques" dont le camp de M. Kamto s'estime victime.

Un journaliste camerounais a aussi été interpellé durant la marche, alors qu'il couvrait l'événement, a appris l'AFP de sources concordantes.

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Les interpellés "sont détenus à la Police judiciaire (du quartier) Bonanjo" de Douala, a dit à l'AFP Paul-Eric Kingue, poids lourd du camp Kamto et ancien directeur de campagne du candidat.

En parallèle de cette marche avortée, le MRC a affirmé, via Paul-Eric Kingue, que le QG du parti à Douala avait été "saccagé" samedi par les forces de sécurité.

Jointes par l'AFP, les autorités camerounaises n'avaient pas répondu en fin d'après-midi.

"Les récurrentes arrestations et détentions arbitraires des manifestants pacifiques et des opposants politiques ainsi que le recours à l'usage excessif de la force créent un climat de peur qui entrave la liberté d'expression et de manifester" au Cameroun, a déclaré samedi Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Cameroun à Amnesty International.

Vendredi soir, le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, avait prévenu que "toutes les tentatives de troubles à l'ordre public seraient traitées avec la plus grande fermeté".

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"L'administration a jusqu'à lors fait preuve de retenue. Il est toutefois de mon devoir de prévenir que désormais nous n'allons tolérer aucun désordre", avait déclaré le ministre.

- "Conférence de presse interdite" -

Mercredi, les autorités ont interdit une conférence de presse programmée par l'opposant Cabral Libii, classé troisième à présidentielle.

Le même jour et jeudi, la police a bloqué l'accès à son siège à Yaoundé, l'empêchant de s'y entretenir avec la presse.

Selon des proches de M. Libii, novice en politique et l'un des plus jeunes candidats au scrutin du 7 octobre, il était samedi "interdit de sortir de chez lui" en raison d'une présence policière autour de son domicile. L'information n'a pu être confirmée de source indépendante.

Une autre conférence de presse prévue par M. Kamto avait déjà été interdite, de même qu'une manifestation organisée à la veille des résultats, le 21, à Douala (sud, capitale économique) par un député du Social Democratic front (SDF) pour dénoncer les fraudes lors de la présidentielle.

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Lors de celle-ci, une trentaine de militants ont été interpellés et deux journalistes camerounais. Ces derniers et au moins quelques militants ont été relâchés depuis.

Ce 21 octobre, c'était la première fois depuis le début mi-septembre du processus électoral au Cameroun qu'une vague d'interpellations de cette ampleur était opérée contre un rassemblement politique.

La marche avait été interdite par les autorités. Une source administrative avait indiqué à l'AFP le soir que les interpellés "répondraient de leurs actes devant la justice".

Vendredi, le ministre Atanga Nji a rappelé "qu'avec la proclamation des résultats (de la présidentielle), le processus est terminé", précisant que "les manifestations publiques doivent désormais se dérouler dans les conditions prévues par la loi".

L'organisation de ces manifestations est soumise à une procédure de déclaration préalable auprès des autorités. Mais les demandes introduites par l'opposition et la société civiles se soldent très souvent par des interdictions.

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Lundi, le Conseil constitutionnel avait proclamé les résultats de la présidentielle donnant Paul Biya vainqueur, à 85 ans dont 35 à la tête du Cameroun.

Depuis 1982, Paul Biya règne en maître absolu au Cameroun, où il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s'appuyant sur l'administration et sur un parti-Etat, le RDPC qu'il a créé en 1985.

Avec AFP