Une dizaine de militants arrêtés par la police au Tchad

Les prisonniers montrant ces images pour prouver au ministre de la justice leur ras-le-bol à l'intérieur de la maison d'arrêt, à N'Djamena, Tchad, le 17 février 2017. (VOA/André Kodmadjingar)

Une dizaine de militants de la société civile tchadienne appartenant au mouvement Iyina ("on est fatigué" en arabe dialectal tchadien), ont été arrêtés à N'Djamena en marge d'une manifestation contre le président Idriss Déby Itno.

La journée "IYINA" initié par le mouvement citoyen éponyme a pour but de dénoncer la mauvaise gouvernance et l’insécurité. La manifestation a été réprimé par la police nationale. L'une des actions de cette journée consistait à porter des habits rouges ou des bandeaux rouges, une action symbolique alors que le porte-parole de l'organisation croupi depuis le 6 avril dernier dans les locaux de l’ANS l'Agence Nationale de sécurité.

Habillés tous en rouge pour protester contre la marginalisation de la jeunesse et la prise en otage des citoyens par l’Agence Nationale de Sécurité, ces jeunes ont tenté de se regrouper à la bourse du travail. C’est de là qu’ils ont été surpris par les éléments de la police et de la gendarmerie nationale.

Douze manifestants ont été arrêtés et enfermés au commissariat central de N’Djamena en attendant la décision des hautes autorités. Dobian Assingar, délégué permanent de la FIDH auprès de la CEMAC, dénonce le comportement des agents de sécurité.

"J'ai un sentiment de honte pour mon pays. Est-ce que vous pouvez concevoir que de simples manifestatnts simplement habillés en rouge ont été parqués dans un enclos à la Bourse du Travail ? En quoi cela menace-t-il la République ? Trop c'est trop !"

Dobian Assingar interpelle par ailleurs le Président de la République à faire face aux agissements des agents de l’ANS. Car, argumente-t-il, le chef de l’Etat a prêté serment pour assurer la sécurité de tous les Tchadiens.

Si la journée de protestation de lundi a été étouffée par les forces de l’ordre, ce n’est pas pour autant que les organisations des jeunes vont désarmer.

Déjà, le coordonnateur du collectif "ça doit changer" annonce la couleur : Maoudoué Déclador appelle la population à porter l’habit noir le 15 avril prochain en signe de deuil si ses compagnons de lutte ne sont pas libérés.

"Le Tchad est un pays où il y a un délestage de l'état de droit. "Ca doit changer" lance un appel pour le 15 avril et nous ne reculerons pas. Le 15 avril, ce sera la journée du deuil de la jeunesse contre l'arrestation, l'intimidation, et la séquestration de la jeunesse".


"Une dizaine (de militants) ont été arrêtés dans l'enceinte de la bourse de travail par la police anti-émeutes", a confirmé le porte-parole de la police Paul Manga, précisant qu'"ils étaient habillés en rouge, conformément à leur mot d'ordre pour manifester contre la gouvernance de Déby".

Le mouvement citoyen Iyina avait appelé à manifester contre le pouvoir en place à l'occasion de l'anniversaire du premier tour de l'élection présidentielle d'avril 2016, qui avait abouti à la réelection à plus de 60% du président Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990.

"Ils ont été interdits de manifester. Malgré cela, ils ont décidé de perturber (...) et donc ils ont été arrêtés", a expliqué le porte-parole de la police, ajoutant que les militants "sont en ce moment entendus par la police judiciaire".

Le 6 avril, le porte-parole d'Iyina et coordinateur au Tchad de la campagne internationale "Tournons la page" pour la démocratie en Afrique Nadjo Kaina a été arrêté à N'Djamena par des agents de l'Agence nationale de la sécurité (ANS).

En février, 69 étudiants avaient été condamnés à un mois de prison ferme pour "outrage à l'autorité de l'Etat" après avoir perturbé une visite ministérielle pour protester contre la suppression de leurs bourses.

Pays producteur de pétrole et allié de la France dans la lutte anti-jihadiste, le Tchad d'Idriss Déby, élu pour un cinquième mandat, traverse une sévère crise économique et sociale aggravée par l'effondrement des prix du pétrole.