Angoisse, larmes et prières chez les immigrés de Californie

Groupe de migrants sans papiers qui cherchent un travail journalier à San Diego, en Californie, le 4 février 2017.

Depuis trente ans, Emilio Lopez Bautista se lève à l'aube pour travailler dans les champs en Californie. Mais aujourd'hui cet homme de 66 ans, entré aux Etats-Unis illégalement depuis le Mexique avec sa femme et ses six enfants, affirme qu'il ne se sent plus en sécurité.

Lopez Bautista, propriétaire de sa maison, vit dans la peur permanente que lui ou un de ses proches ne soit expulsé dans le cadre des nouvelles mesures prises par le président américain Donald Trump.

"Nous avons peur quand nous sortons de la maison à 5 heures pour aller travailler dans les champs, nous avons peur quand nous conduisons, nous avons peur au travail et nous avons peur chez nous", explique M. Bautista, qui vit dans la riche vallée agricole de Coachella, dans le sud de la Californie, comme des dizaines de milliers d'autres sans-papiers employés comme ouvriers agricoles.

Depuis la promulgation mardi des nouvelles règles, qui donnent aux autorités une plus grande latitude dans l'expulsion des clandestins, l'angoisse s'est répandue comme une traînée de poudre parmi les sans-papiers.

- 'C'est chez nous ici' -

"Je suis très triste et il y a des jours où je n'arrive pas à dormir", témoigne sa femme Prudencia. "Que va-t-il arriver à nos petits-enfants si nous ou leurs parents sont arrêtés? Qui va s'occuper d'eux?".

Lopez Bautista dit faire désormais plus attention à ses dépenses au cas où il serait expulsé.

"Il n'y a pas d'autres moyens pour nous que de travailler dans les champs, et si nous revenons au Mexique nous n'aurons pas de possibilités là-bas", dit-il. "C'est chez nous ici maintenant".

Donald Trump affirme que ces mesures sont nécessaires pour protéger les Américains des gens qui "représentent une menace particulière pour la sécurité nationale et la sécurité du public".

Des études montrent pourtant que le niveau de criminalité parmi les immigrés est beaucoup plus bas que parmi ceux nés aux Etats-Unis.

Les défenseurs des droits des immigrés dénoncent une chasse aux sorcières contre les 11 millions de clandestins qui vivent et travaillent dans le pays, dont une majorité viennent du Mexique.

- Montagne russe -

"Nous sommes sur une montagne russe avec cette nouvelle administration", estime Luz Gallegos, directrice de programmes pour le TODEC Legal Center, une puissante organisation de défense des immigrés dans le sud de la Californie.

"Il y a tellement d'incertitudes", dit-elle. "Les personnes nous demandent de les réconforter mais nous n'avons pas les mots nécessaires. Même nous, les avocats, vivons au jour le jour".

M. Gallegos explique que les associations comme la sienne travaillent jour et nuit pour rassurer les sans-papiers et les encourager à connaître leurs droits --comme celui de rester silencieux ou celui d'avoir un avocat.

Ceux qui ont des cartes de résident sont aussi encouragés à demander la nationalité.

Vendredi, TODEC a organisé une réunion dans ses nouveaux bureaux de Coachella. La chef adjointe de la police de la ville, Misty Reynolds, était aussi présente pour dire aux immigrés qu'ils devaient "continuer à nous appeler en cas de besoin". "Nous sommes toujours là pour les servir".

- Un 'miracle' -

Mais rien ne suffira pour rassurer des gens comme Samantha Yanez, une étudiante de 21 ans entrée illégalement aux Etats-Unis à l'âge de 6 ans avec ses parents et ses deux frères.

Mme Yanez et ses deux frères sont protégés de l'expulsion par le programme DACA, mis en place par Barack Obama et qui a permis à plus de 750.000 clandestins arrivés mineurs sur le territoire américain d'obtenir des permis de séjour et de travail. Elle se dit cependant terrifiée à l'idée que ses parents puissent être renvoyés au Mexique et se méfie désormais des forces de l'ordre.

"Je suis allée courir l'autre jour et j'ai vu les feux d'une voiture de police (...). J'ai vraiment eu très peur et je me suis demandée si je devais continuer", a-t-elle raconté.

"Je fais plus attention maintenant. Par exemple avant quand j'avais un feu arrière cassé je disais +je vais le réparer demain+. Mais maintenant, comme quelqu'un me l'a dit, +ne leur donne pas d'excuse pour t'arrêter+".

D'autres au sein de la très religieuse communauté hispanique ont recours à la prière dans l'espoir que Trump aura une révélation et adoptera des mesures plus indulgentes à leur égard.

Mme Gallegos affirme que des groupes de prière se sont formés dans toute la région. "On espère un miracle (...) mais Dieu a ses limites", modère-t-elle.

Avec AFP