Après l'ouragan, une rentrée sans électricité à Porto Rico

Des familles nettoient ce qui reste de leurs maisons après le passage de l’ouragan Maria à Toa Baja, Porto Rico, 18 octobre 2017.

Andrea Olivero, 11 ans, se tourne vers sa camarade Ada durant leur cours d'anglais à l'école Sotero Figueroa de San Juan. L'exercice est simple: classer les conséquences de l'ouragan Maria, qui a dévasté Porto Rico, dans des colonnes "positif" et "négatif".

Pour cela, il leur suffit de regarder autour d'elles. Il n'y a pas d'électricité - elles disent "rôtir" sans ventilateurs dans cette chaleur. Les télévisions et les ordinateurs ne font qu'amasser la poussière.

"On aimerait passer à un autre sujet que l'ouragan. Ca devient répétitif", explique Andrea, l'une des 300.000 élèves du système public à Porto Rico.

Voilà déjà plus d'un mois et demi que le puissant ouragan Maria s'est abattu sur l'île caribéenne, le 20 septembre, mais seule la moitié des écoles a rouvert sur une île où presque six habitants sur dix n'ont toujours pas d'électricité.

Une pénurie qui pousse à réorganiser les emplois du temps pour éviter les heures les plus chaudes de la journée et pour pouvoir se passer de la cantine paralysée par le manque d'électricité.

"Des élèves sont très anxieux. Quand on arrive à avancer en classe, les horaires changent à nouveau. Tout est chamboulé et on prend du retard", regrette Joan Rodriguez, professeur d'anglais dans cette école de la capitale, San Juan.

"On ne peut pas utiliser les ordinateurs pour illustrer les cours avec des images, des présentations", ni les télévisions, ajoute-t-elle. Et le soir, les élèves n'ont parfois que la lumière de leurs téléphones portables pour s'éclairer pendant les devoirs.

- Méfiance -

Ce n'est que le 23 octobre que certains directeurs ont rouvert leur établissement dans la région occidentale de Mayaguez et à San Juan. Mais jeudi dernier, les responsables de l'éducation de la région ont ordonné leur fermeture, affirmant qu'ils devaient être inspectés et certifiés avant de pouvoir accueillir les élèves.

Parmi ces écoles, celle de Vila Mayo, également à San Juan. Parents et enfants s'attendaient à pouvoir faire leur rentrée sans problème puisque l'établissement avait servi de refuge après le passage de l'ouragan et que sa structure ne présentait pas de dégâts structurels.

Mais les portes étaient fermées. Rapidement une petite manifestation s'est improvisée devant ses murs. Et le responsable de l'Education dans la région de San Juan, Luis Orengo, a expliqué aux manifestants que l'école ne pouvait pas ouvrir parce que les conclusions des inspecteurs n'étaient pas encore parvenues au gouvernement central.

"C'est inacceptable! L'école est prête pour la reprise des classes mais ils ne veulent pas l'ouvrir. Nos enfants ne peuvent pas rater toute l'année", s'indignait Enid Guzman, venue manifester avec son fils de 11 ans, Reanny De la Cruz.

Depuis, les rassemblements se succèdent. Et parmi les manifestants, un doute tenace s'est installé: plus que l'ouragan, c'est la volonté de fermer des dizaines d'écoles sur une île plongée dans une profonde crise économique depuis 10 ans qui explique le report des ouvertures.

Plombée par une dette colossale, cette ancienne colonie espagnole aujourd'hui territoire américain de 3,4 millions d'habitants s'est déclarée en faillite au printemps dernier.

Avant même l'ouragan, le gouvernement avait fermé 240 écoles l'an dernier pour faire des économies mais aussi répondre à des effectifs en nette baisse, creusés par l'exode massif de la population, qui a diminué de 14% en une décennie. Quelque 300 autres étaient désormais menacées de fermeture et pour la présidente de la fédération des enseignants, Mercedes Martinez, l'objectif du gouvernement ne fait aucun doute.

La responsable de l'Education Julia Keleher "semble avoir tout orchestré pour fermer des écoles", accuse-t-elle. "Pourquoi doit-on attendre 30 jours pour recevoir l'autorisation d'ouvrir une école?"

Mais de son côté, Julia Keleher l'a promis: la majorité des écoles devrait avoir rouvert d'ici la mi-novembre.

Avec AFP