"On va espérer que (la récolte) aura lieu la prochaine fois", résume, inquiet, machette en main, Enrique Gonzalez, un paysan de 31 ans, tout en s'activant au milieu des longues tiges calcinées de canne à sucre.
"On nous paie 36 pesos la tonne (environ 1,8 dollar). Si tu coupes tu gagnes de l'argent, sinon tu n'as rien", confie-t-il à l'AFP, les vêtements couverts de cendre.
Le processus pour obtenir du sucre débute par le brûlage des tiges, qu'on coupe ensuite à la machette avant de les expédier à l'usine.
Les travailleurs journaliers gagnent 600 à 700 pesos par jour (30-37 dollars), un salaire qui leur permet de subvenir aux besoins de leur famille.
Une grande partie de la population est employée du reste dans l'industrie sucrière.
Mais avant même la renégociation de l'Accord de libre-échange nord américain (Aléna), que le président Donald Trump estime nocif à son pays, une partie des stocks de sucre mexicain pourraient bien rester bientôt bloqués à la frontière américano-mexicaine.
Le Mexique doit obtenir un accord avant le 5 juin pour éviter la mise en place de taxes douanières sur la canne à sucre par les Etats-Unis qui pourraient atteindre 80% de la valeur exportée, selon les industriels du secteur.
Un risque réel lorsque l'on sait qu'en 2016, le Mexique a exporté plus d'un million de tonnes vers son voisin du Nord, selon des chiffres officiels.
Une telle taxe serait un mauvais signal de départ pour la renégociation de l'Aléna qui doit débuter en août.
"Cela obligerait le gouvernement mexicain à durcir sa position à l'heure de la renégociation, tant politiquement qu'économiquement", explique à l'AFP Alejandro Luna, un avocat spécialisé en commerce.
Le sucre de canne produit au Mexique entrait depuis 2008 aux Etats-Unis sans taxes douanières, dans le cadre de l'Aléna.
De son côté, le marché mexicain s'est ouvert aux importations américaines de fructose, extrait de fruit au pouvoir sucrant utilisé principalement dans l'industrie des boissons.
Mais les industriels américains accusent le Mexique de faire du dumping en exportant son sucre à des tarifs moins élevés qu'il n'est vendu sur son propre marché.
Les deux gouvernements ont déjà signé un accord en 2014 qui limite les quantités de sucre exporté par le Mexique.
Mais suite à de nouvelles plaintes d'industriels américains, les deux pays ont rouvert des négociations l'an dernier.
"S'ils nous imposent des taxes, ils nous font sortir du marché", estime Juan Cortina, président de la Chambre mexicaine des industries sucrières et alcoolières (CNIAA).
Le ministre mexicain de l'Economie a accusé début mai les entreprises américaines à l'origine de la plainte de chercher notamment "à éliminer du marché américain la concurrence du sucre raffiné provenant du Mexique".
Pour les producteurs mexicains, l'enjeu est de taille.
A Atencingo, la récolte ou la transformation de la canne à sucre emploie la population locale de novembre à mai depuis plusieurs générations.
Le reste de l'année, une grande partie des 11.000 habitants travaillent dans la construction ou partent au nord du pays, dans l'Etat de Sonora, pour participer à la récolte du raisin.
Le mot canne à sucre est ici "synonyme du travail (et) d'une longue tradition", explique à l'AFP Gabriel Conrado, âgé de 57 ans, qui dirige le syndicat local des paysans.
"Espérons qu'il n'arrive rien, qu'un accord soit trouvé", ajoute-t-il.
Néanmoins, la chambre mexicaine CNIAA cherche à mettre plus de pression sur les négociations en ouvrant une enquête pour antidumping au Mexique contre le fructose américain.
Avec AFP