Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) a crié à la fraude lors de la présidentielle du 30 juillet remporté par le sortant Emmerson Mnangagwa, et elle joue gros dans les prochains jours, après près de quatre décennies de pouvoir du parti Zanu-PF.
Selon les résultats de la commission électorale, M. Mnangagwa - qui avait pris le pouvoir en novembre 2017 à la faveur d'un coup de force contre Robert Mugabe dont il fut le bras droit, a été élu dès le premier tour avec 50,8% des voix contre 44,3 pour Nelson Chamisa.
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Le MDC devrait présenter vendredi son recours contre les résultats de la présidentielle. La Cour constitutionnelle aura ensuite 14 jours pour trancher.
La répression des manifestations du 1er août contestant l'annonce de la victoire de M. Mnangagwa a fait au moins six morts et des dizaines de blessés.
Celui-ci doit redorer l'image du pays pour relancer une économie moribonde s'il ne veut pas faire face à une contestation permanente.
Beaucoup d'observateurs sont sceptiques même si le MDC a parlé de "fraude mammouth", ironisant sur sa grossièreté et promettant que Nelson Chamisa avait gagné.
"Les tribunaux du Zimbabwe ont un long passé de partialité favorable à la Zanu-PF et il est peu probable que les juges, dont beaucoup doivent leur postes au parti au pouvoir, prennent des décisions favorables à l'opposition", analyse Alexander Noyes, spécialiste Afrique, du Center for Strategic and International Studies (CSIS).
Plusieurs observateurs soulignent que l'opposition n'a pas forcément les moyens de démasquer des fraudes, alors que d'autres estiment qu'Emmerson Mnangagwa a peut-être tout simplement gagné l'élection en s'appuyant sur un parti qui sait mobiliser les militants. Autre théorie : Robert Mugabe, en affirmant qu'il allait voter pour le MDC, lui a peut être donné le "baiser de la mort".
Pour Chipo Dendere, professeure de sciences politique à l'université Amherst, "le MDC doit montrer qu'il conteste les résultats. C'est quelque chose qu'ils n'ont pas fait en 2008 et beaucoup de leurs partisans et de gens à l'étranger se sont étonnés. Ce qu'ils font, c'est en partie pour dire +Ecoutez, on fait tout ce qu'on peut".
"Vu de l'étranger cela donne vraiment l'impression que tout se passe comme dans le passé", estime Derek Matyszak, analyste à l’Institute for Security Studies. "Cette répression, cette violence que nous avous vu sous le régime de Mugabe continue".
Le nouveau président a toutefois donné des gages à l'opposition et à la communauté internationale, en réclamant une "enquête indépendante" sur les événements du 1er août et les victimes qu'il a provoquées.
Mais pour Mme Dendere, ce n'est pas l'opposition mais l'état désastreux de l'économie dont doit se soucier Emmerson Mnangagwa: "Si l'état de l'économie ne s'améliore pas, le problème, ça ne sera plus Nelson Chamisa, le problème ce sera des gens qui viendront à Harare pour brûler des immeubles. On l'a vu dans le passé au Zimbabwe".
L'opposition quant à elle risque d'exploser, selon Derek Matyszak. "Nelson Chamisa a pris le contrôle du parti dans des circonstances particulières après la mort de Morgan Tsvangirai (le chef historique du parti, ndlr) en février et malgré l'opposition virulente de plusieurs courants. Maintenant qu'il a perdu l'élection, les blessures peuvent se rouvrir et il peut y avoir des luttes internes. Je vois le parti en eaux troubles".
Avec AFP