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Le Mali et la mort de Koufa


Après un attentat à Gao, au Mali, le 13 novembre 2018. (VOA/Souleymane Ag Anara)
Après un attentat à Gao, au Mali, le 13 novembre 2018. (VOA/Souleymane Ag Anara)

La mort annoncée du prédicateur Amadou Koufa affaiblit la coalition jihadiste liée à Al-Qaïda dans le Sahel, mais l'Etat malien doit agir de manière décisive s'il veut exploiter cette opportunité d'enrayer le cycle de violences dans le centre du pays, estiment des experts.

La France et le Mali ont annoncé la mort dans une opération militaire du 22 au 23 novembre d'Amadou Koufa et d'une trentaine de membres de son groupe, dont plusieurs de ses lieutenants. Après plusieurs semaines, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a démenti son décès, sans fournir de preuve à l'appui de ses dires.

Apparu il y a quasiment quatre ans dans le centre du Mali, limitrophe du Burkina Faso et du Niger, le groupe de Koufa, qui recrute prioritairement parmi les Peuls, a rejoint dès sa création en 2017 l'alliance jihadiste dirigée par le Touareg malien Iyad Ag Ghaly, le "Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans" (GSIM).

Sa mort "va poser de sérieux problèmes de coordination et de recrutement pour le GSIM dans le Centre malien", estime un expert mauritanien du jihadisme, Isselmou Ould Salihi.

"Koufa est irremplaçable pour Iyad Ag Ghaly et Yahya Abou El Hamame (numéro 2 du GSIM et chef algérien de "l'émirat du Sahara" d'Aqmi, NDLR) avec lesquels il avait des relations fortes tissées des années durant", précise-t-il, estimant néanmoins que son groupe lui survivra.

C'est "un coup dur" pour l'alliance jihadiste, confirme un diplomate africain en poste à Bamako. "Iyad Ag Ghaly ne faisait confiance qu'à lui au Centre, et il mettra du temps pour faire d'un autre Peul un allié sûr", explique-t-il.

Pour l'ex-colonel mauritanien El Boukhary Mohamed Mouemel, spécialiste de cette mouvance, "c'est un coup dur pour les jihadistes mais ce n'est pas un coup mortel. Il y aura toujours quelqu'un pour prendre la relève".

"Le problème est celui de l'absence de l'Etat dans cette partie centrale du pays et qui a pour résultat la prolifération de groupes armés", ajoute-t-il, insistant sur l'importance d'une "solution politique".

Course de vitesse

La région connaît depuis l'apparition du groupe de Koufa une explosion des violences entre les Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l'agriculture, qui ont créé leurs propres "groupes d'autodéfense". Ces violences intercommunautaires ont fait plus de 500 morts civils en 2018, selon l'ONU.

Après la mort de Koufa, "il y a une opportunité à saisir" pour l'Etat, a affirmé à l'AFP une source diplomatique française en marge d'une réunion sur le Sahel au début du mois à Nouakchott.

"Lorsque ces réseaux sont momentanément désorganisés, cela ouvre une fenêtre pour essayer de rassurer la population et permettre aux attributs de l'Etat malien de revenir. C'est une course de vitesse", souligne une source militaire française.

Lors d'un déplacement à Tombouctou (nord-ouest) le 14 décembre, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga a promis l'extension du processus de "désarmement, démobilisation et réinsertion" (DDR) dans la vie civile prévu par l'accord de paix de 2015 pour les combattants des groupes pro-gouvernementaux ou de l'ex-rébellion du Nord.

"L'Etat malien s'engage à s'intéresser aux jeunes qui se sont fourvoyés", à condition qu'il n'aient "pas de sang sur les mains", a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant: "Le DDR se déroulera également au centre du Mali".

Mais les autorités seront jugées à leurs actes pour résoudre des conflits souvent extrêmement locaux, préviennent des acteurs de terrain.

"Si des civils peuls continuent de se sentir brimés au centre, les jihadistes ont de beaux jours devant eux" et continueront à recruter dans cette communauté, explique Amadou Baye, président de l'association Lolamayo, qui regroupe des ressortissants, toutes ethnies confondues, de la localité de Diafarabé, dans le delta intérieur du fleuve Niger.

"Il faut désarmer les milices qui affirment à tort ou à raison être proches de Bamako", ajoute-il, visant en particulier les groupes affiliés aux sociétés de chasseurs traditionnels.

Les Peuls dénoncent des exactions de la part de ces groupes, tolérées voire encouragées selon eux au nom de la lutte contre les jihadistes, par les autorités ou l'armée, ce que dément le gouvernement.

L'armée malienne a annoncé dans un communiqué avoir interpellé le 13 décembre "quatre chasseurs" pris "en flagrant délit de destruction et d'incendie d'habitations, de bétail et autres matériels" dans le cercle de Bankass (centre), assurant avoir "intensifié les patrouilles au centre du pays suite à la démultiplication des affrontements communautaires".

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