"Globalement le vote a eu lieu et les électeurs sont venus. Il y a eu un engouement malgré des petits soucis sécuritaires dans quelques endroits", a indiqué Momokoama Théophile, rapporteur général de l'Autorité Nationale des Elections. Un satisfecit contesté par les experts et des observateurs dépêchés pour surveiller le scrutin.
L'explosion de violence redoutée n'a pas eu lieu dimanche lors du premier tour de la présidentielle et des législatives, mais les observateurs craignent que nombre d'électeurs n'aient pu voter dans ce pays occupé aux deux tiers par des groupes armés.
Les groupes rebelles avaient juré, il y a neuf jours, de "marcher sur Bangui" pour empêcher le scrutin, mais ils ont finalement été tenus à distance de la capitale.
Même l'ex-Président François Bozizé, dont la candidature a été invalidée, a annoncé publiquement dimanche son soutien à la rébellion et a appelé au boycotter les scrutins.
Si les rebelles ont pu être stoppés encore loin de Bangui, c'est cependant grâce au renfort ces derniers jours de centaines de paramilitaires russes, soldats rwandais et Casques bleus de la force de maintien de la paix de la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca).
Les groupes armés, habitués en 2013 et 2014 au paroxysme de la guerre civile, à attaquer des civils abandonnés par une armée alors en déroute, font aujourd'hui face à quelque 11.500 Casques bleus, renforcés jeudi par 300 soldats rwandais Kigali et Moscou ont volé il y a quelques jours au secours du pouvoir de M. Touadéra.
La Russie, soutenant ouvertement depuis 2018 le gouvernement Touadéra, a envoyé 300 "instructeurs militaires" - en fait des paramilitaires de société privées russes de sécurité - en renfort de centaines de leurs pairs déployés depuis plus de deux ans. Et le Rwanda a dépêché des soldats d'élite hors Minusca, "des centaines", selon Bangui.
Quelques incidents ici et là
Bangui est resté calme jusqu'à la fermeture des bureaux de vote. De très nombreux Casques bleus et soldats centrafricains et rwandais ont patrouillé dans tous les quartiers pour protéger les bureaux de vote.
Loin de la capitale, des incidents épars ont été rapportés et des milliers de personnes ont été empêchées de voter ou privées de leurs cartes d'électeurs jamais arrivées en raison de l'insécurité, selon des responsables locaux et de l'ONU anonymes.
Ainsi, dans le nord-ouest, à plus de 500 km de Bangui, des rebelles ont saisi du matériel électoral à Koui, menacé de tuer des agents électoraux à Ngaoundaye, et quiconque ira voter à Bocaranga, comme dans de nombreuses autres bourgades, les mêmes sources.
Le Comité Stratégique de Sécurisation des Elections (CSSE), qui dépend du gouvernement, a lui même listé au moins 12 sous-préfectures où le vote n'a pas eu lieu en province. Or Bangui ne compte qu'un million d'âmes environs sur un pays de 4,9 millions d'habitants.
Dans ce contexte, la question de la légitimité des futurs élus - le président et 140 députés - est déjà posée quand une partie importante de la population n'a pu voter, ou le faire librement et sereinement, en dehors de Bangui, selon les experts et l'opposition.
"Il y a le discours lénifiant qui dit que tout se passe bien à Bangui et on oublie tout le reste. Les groupes armés ont pris en otage la population", estime pour l'AFP Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po à Paris.
"Ces élections sont partielles, non crédibles et ne respectent pas les standards internationaux", renchérit Thierry Vircoulon, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
L'opposition avançat en ordre dispersé, avec pas moins de 15 candidats, face à un Touadéra qui a, selon les experts et les diplomates, toutes les chances d'obtenir un second mandat.
Les premiers résultats partiels sont attendus le 4 janvier et définitifs le 19. Un second tour éventuel est prévu pour le 14 février.
Avec AFP