Voici les temps forts de ce procès tant attendu par les familles des victimes et les partisans de Sankara, leader progressiste et icône panafricaine, qui s'est ouvert en octobre 2021 devant le tribunal militaire de Ouagadougou et dont le verdict est attendu fin février.
Deux grands absents
Au premier jour du procès, le 11 octobre - reporté au 25 octobre après une journée d'audience pour permettre à la défense de mieux étudier certains dossiers - douze des quatorze accusés sont présents, dont le général Gilbert Diendéré, 61 ans, un des principaux chefs de l'armée lors du putsch de 1987.
Les chefs d'inculpation sont: "complicité d'assassinats", "recel de cadavres" et "attentat à la sûreté de l'Etat".
Le principal accusé, l'ancien président Blaise Compaoré, porté au pouvoir par ce putsch et ami proche de Sankara, est absent, ses avocats ayant dénoncé "un simulacre de procès" devant "un tribunal d'exception".
Soupçonné d'avoir été le commanditaire de l'assassinat de Sankara - ce qu'il a toujours nié -, il a été chassé du pouvoir en 2014 par la rue et vit depuis en Côte d'Ivoire.
Autre grand absent, l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando, ancien commandant de la garde de Compaoré, en fuite depuis 2016 et qui est soupçonné d'avoir mené le commando ayant assassiné Thomas Sankara et ses compagons.
L'écrasante majorité des accusés présents plaide non coupable, dont le général Diendéré, qui purge déjà une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015.
Ils affirment qu’il s’agissait d’une tentative d’arrestation de Sankara qui a "mal tourné", à la suite de divergences avec Blaise Compaoré "dans la marche de la révolution".
Complot
D'anciens collaborateurs du président tué lévent le voile sur les relations tendues entre Blaise Compaoré et Thomas Sankara, et sur l’existence d’un "complot international" ourdi contre un leader progressiste qui voulait bouleverser l'ordre du monde et éradiquer la pauvreté dans son pays.
"Le drame du 15 octobre 1987 est arrivé sous la pression de certains chefs d’Etat, tels que Félix Houphouët Boigny de la Côte d’Ivoire", témoigne Abdoul Salam Kaboré, ministre des Sports de Sankara.
Entendu en visioconférence depuis la France, ancienne puissance coloniale au Burkina, Moussa Diallo, aide de camp du président assassiné, assure que les événements d'octobre 1987 "ont été prémédités" et que le président Houphouët Boigny, grand ami de la France, était "au centre de ce complot".
Houphouët Boigny avait dit à Thomas Sankara, "il faut que vous changiez, si vous ne changez pas, nous allons vous changer", a pour sa part témoigné Serge Théophile Balima, ancien directeur de la télévision burkinabè.
Soif de pouvoir
"Blaise Compaoré voulait le pouvoir. C'est la création d’un parti politique unique qui a mis le feu aux poudres", car Compaoré "ne voulait pas de l’unification des organisations du Comité national de la révolution (CNR)" qui dirige alors le pays, a déclaré pendant l'enquête Valère Somé, politologue burkinabè dont la déposition a été lue au procès.
Et selon un commandant militaire, Blaise Sanou, "celui qui était accro au pouvoir, c’était Blaise Compaoré". "C’est également à cause (de cette soif) du pouvoir qu’il a voulu modifier la constitution après 27 ans de règne", ce qui a provoqué sa chute en 2014.
Comme un suicide
"La mort de Sankara s’apparente à un suicide, car il savait déjà ce qui l'attendait et il n’a pas agi, ni laissé agir, pour empêcher cela", a déclaré Boukary Kaboré, alors commandant du Bataillon d’intervention aéroporté.
Chargé de sa sécurité, Famoro Ouattara, a pour sa part affirmé que "le président Thomas Sankara a été mis au courant du danger qui pesait sur sa tête", mais "il n’a jamais voulu que quelqu’un prenne les armes contre Blaise Compaoré, jusqu’au jour fatidique. C’est comme s’il voulait se faire tuer".
Sept balles dans le thorax
"Les impacts de balles (sur le corps de Sankara) sont au niveau du thorax", a déclaré Robert Soudré, expert en anatomie. Il y avait "au moins sept impacts de balles" dont une "tirée dans le dos", a-t-il précisé.
Un expert en balistique, le commissaire divisionnaire Moussa Millogo, a de son côté affirmé que les projectiles tirés étaient des balles traçantes, car "au niveau des restes des vêtements que portait le président Thomas Sankara, il y avait des brûlures".