Malik Agar, le numéro deux du pouvoir loyal à l'armée, a dit sur X avoir parlé à la mi-janvier avec le président érythréen, Isaias Afwerki, "des moyens d'empêcher la guerre de gagner l'Est du Soudan". Depuis le 15 avril, les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdane Daglo et l'armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane s'affrontent à Khartoum, dans l'Ouest et le Sud.
Cette guerre a fait des milliers de morts, dont entre 10.000 et 15.000 dans une seule ville du Darfour (ouest), selon des experts de l'ONU. Près de huit millions de personnes ont été déplacées, d'après le Haut-Commissaire des Nations unies aux réfugiés (HCR), pour beaucoup vers l'Etat d'al-Jazira, la porte sud de Khartoum mais aussi la voie vers l'est pour les FSR, dont le bastion historique est le Darfour.
A al-Jazira, les FSR ont désormais accès aux routes qui mènent vers les Etats de Gedaref, frontalier de l'Ethiopie, et de Kassala, frontalier de l'Etat de la mer Rouge où se trouve Port-Soudan, et de l'Erythrée. Dans les années 1990 déjà, Khartoum accusait Asmara d'entraîner des rebelles sur son sol. Puis les deux capitales se sont réconciliées.
Mais aujourd'hui, plusieurs témoins interrogés par l'AFP affirment que l'Erythrée abrite au moins cinq camps d'entraînement de combattants soudanais, dont trois dans le secteur de Mouhib, dans la région de Gash-Barka. L'Erythrée – l'un des pays les plus isolés au monde, surnommé "la Corée du Nord" de l'Afrique – ne commente pas et plaide depuis le début de la guerre pour des négociations de paix.
"Soutiens de l'armée"
Pour le Rift Valley Institute (RVI), un centre de recherche sur la Corne de l'Afrique, on assiste à un jeu de pouvoir à plusieurs bandes. "Pour l'Erythrée, la principale raison pour s'ingérer est de gagner des leviers de pression sur Khartoum qui entretient des relations avec son opposition", affirme le centre de recherche sur la Corne de l'Afrique.
Asmara veut faire pression, mais pas mettre à bas l'armée, car "ses alliés traditionnels dans l'Est la soutiennent". Et surtout, elle voit d'un mauvais oeil le général Daglo, allié d'Abou Dhabi, car il "pourrait renforcer les Emirats arabes unis dans l'Est soudanais et, du point de vue de l'Erythrée, rendre la Corne de l'Afrique plus malléable pour le Golfe", poursuit le RVI.
Pour le spécialiste de l'Est soudanais Abou Fatima Onor, les groupes qui tiennent les camps d'entraînement en Erythrée "sont connus pour soutenir l'armée". Un de ces camps serait tenu, affirment les témoins, par Ibrahim Dounia, une figure de Kassala qui a émergé en 2021 sur fond de tensions entre les tribus Beja et le clan Bani Amer – présent au Soudan comme en Erythrée.
Dans une vidéo mi-janvier, il affirme avoir formé "une première promotion" de ses "Forces de libération de l'Est" dans "un camp" qu'il ne localise pas. L'objectif, poursuit Ibrahim Dounia, est que ces recrues puissent "protéger leur communauté (...) de la guerre". S'il se garde bien de prendre parti dans la guerre actuelle, des publications de son mouvement soutiennent clairement l'armée du général Burhane.
"Besoin de vous"
Deux autres camps seraient tenus, selon ces mêmes témoins qui s'expriment anonymement par peur de représailles, par des cadres de la dictature islamo-militaire soudanaise d'Omar el-Béchir, renversé en 2019.
Ali Soukar, un cacique de l'ancien régime qui s'est maintenu dans sa région d'Agig, à la frontière avec l'Erythrée, entraîne entre 150 et 200 hommes. Et Moussa Mohammed Ahmed, un ancien rebelle de l'Est nommé en 2007 "assistant" d'Omar el-Béchir, en entraînerait des dizaines d'autres.
Un autre camp regrouperait les forces de Minni Miwani, gouverneur du Darfour de longue date proche d'Asmara, selon les témoins. Et le cinquième, celles du Front de l'Est du Soudan pour la justice, un groupe fondé en 2012 par al-Amin Daoud qui officiellement n'avait pas de branche militaire et a signé la paix avec Khartoum en 2020. Les témoins affirment que 300 hommes s'y trouvent.
"Le Soudan a besoin de vous", lance dans une vidéo récente al-Amin Daoud devant ses recrues, là aussi sans dire où ils se trouvent.
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