Le message américain, déjà flou, a encore été brouillé mardi par des propos du ministre de la Défense. A un sénateur qui lui demandait de répondre par oui ou par non à la question "pensez-vous qu'il soit dans notre intérêt national à l'heure actuelle de rester dans l'accord", Jim Mattis a répondu: "Oui, sénateur. Je le pense".
"Si nous pouvons confirmer que l'Iran respecte l'accord, si nous pouvons conclure que c'est dans notre intérêt, alors certainement nous devons le garder. Je pense qu'à l'heure actuelle, en l'absence d'indication contraire, c'est une chose que le président devrait envisager de garder", a-t-il aussi dit.
Le département d'Etat américain a semblé de son côté minimiser la prise de position du chef du Pentagone. "Le secrétaire Mattis est l'une des nombreuses personnes qui apportent expertise et conseils au président sur la question iranienne", a dit la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert.
Dans son discours devant l'Assemblée générale de l'ONU le 19 septembre, Donald Trump a eu des mots très durs contre ce texte, un "embarras" pour les Etats-Unis, "l'un des pires" jamais conclus par Washington. Il a alors même assuré avoir pris sa décision sur l'avenir de l'accord, sans la dévoiler.
L'accord a été conclu en 2015 par l'Iran avec les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) pour garantir le caractère strictement pacifique et civil du programme nucléaire iranien, contre une levée progressive des sanctions.
Depuis, une loi oblige le président américain à dire au Congrès, tous les 90 jours, si l'Iran le respecte et si la levée des sanctions est bien dans l'intérêt national des Etats-Unis. Il a jusqu'ici "certifié" l'accord mais a fait savoir que l'échéance cruciale serait la prochaine, le 15 octobre.
'Choses terribles'
Washington semble chercher une voie pour accroître la pression sur Téhéran sans faire voler l'accord en éclats.
Les signaux émanant ces dernières semaines de l'administration Trump laissaient envisager une possible "non-certification". Plusieurs hauts responsables américains, ainsi que des observateurs hostiles à l'accord de 2015, mettent toutefois en avant qu'une telle décision de ne pas le "certifier" ne signerait ni le retrait des Etats-Unis, ni la fin du pacte.
La loi donne au Congrès, en cas de "non-certification", 60 jours pour décider de réimposer ou non les sanctions levées depuis 2015. Un temps que Washington pourrait tenter de mettre à profit afin d'arracher à ses partenaires européens l'engagement de rouvrir des négociations avec Téhéran.
S'ouvrirait donc une phase à hauts risques: l'Iran pourrait considérer une "non-certification" comme une mise en cause de l'accord, et décider de son côté de reprendre ses activités nucléaires interdites. Et une réimposition des sanctions par le Congrès serait considérée, selon plusieurs diplomates européens, comme la fin politique du pacte.
Comment réagiront les parlementaires? L'influent sénateur Tom Cotton, partisan d'une ligne dure, a appelé mardi le président Trump, dans un discours devant le Council on Foreign Relations à Washington, à ne pas certifier l'accord, considéré comme "une menace directe à la sécurité nationale". "Il faut commencer à travailler à son renforcement et à contrer l'agression iranienne, avec la menace de sanctions et d'une action militaire si nécessaire", a-t-il lancé.
Ni Téhéran ni les autres signataires ne veulent renégocier le texte, même si le président français Emmanuel Macron a récemment dit qu'on pouvait tenter d'y ajouter "deux ou trois piliers" pour trouver un compromis avec Donald Trump.
Les Américains contestent plusieurs points de l'accord, à commencer par le fait que certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes tombent progressivement à partir de 2025. Ils réclament aussi que l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui a certifié constamment que Téhéran tient ses engagements, mène des inspections plus poussées, étendues à plusieurs sites militaires.
Au-delà, les Etats-Unis considèrent que l'Iran viole l'esprit de l'accord en raison du développement parallèle de son programme balistique et de son rôle "déstabilisateur" au Moyen-Orient, notamment en Syrie, au Liban ou au Yémen.
"Nous devons regarder l'Iran en étudiant l'ensemble de ses mauvais comportements, pas seulement l'accord nucléaire", a estimé la porte-parole du département d'Etat, reconnaissant que jusqu'ici Washington avait toujours certifié du respect par Téhéran des aspects techniques du texte. "Là où le gouvernement iranien est présent à travers le monde, il y a souvent des choses terribles qui se passent", a-t-elle insisté.
Avec AFP