Pour éviter toute réédition de la fraude massive ayant entaché la session 2016, aucun retard aux épreuves n'a été cette année toléré et la traditionnelle demi-heure de grâce a été supprimée, afin d'éviter que les retardataires profitent - de manière intentionnelle ou non - d'une fuite de sujets sur les réseaux sociaux.
Résultat : des milliers de candidats en larmes, refoulés aux portes des centres d'examen, closes à l'heure exacte, le tout devant les caméras de télévision...
Le président Abdelaziz Bouteflika a donc accordé une seconde chance à ces retardataires, infligeant au passage un cruel camouflet à sa ministre de l'Education, Nouria Benghabrit, qui avait publiquement exclu l'organisation de nouvelles épreuves... et n'a pu dissimuler un air de surprise lors de l'annonce de la mesure présidentielle.
Cette mesure "unilatérale" du chef de l'Etat est "un affront" pour la ministre et tout le secteur de l'éducation, selon Idir Achour, coordinateur du Conseil des lycées d'Algérie (CLA), un des principaux syndicats d'enseignants du secondaire.
"C'est une décision populiste et antipédagogique", s'indigne M. Achour, interrogé par l'AFP qui dénonce une "prime à la paresse" et une mesure "injuste".
"Les retardataires de l'année 2016 n'ont pas eu droit à une seconde chance", note-t-il.
Et ceux de cette année, "auront plus de temps pour se préparer et n'auront pas, comme les candidats de la session de juin, à affronter les contraintes liées au jeûne du ramadan", mois sacré des musulmans durant lequel se sont déroulées les épreuves du 'bac', indispensable pour accéder à l'enseignement supérieur.
- 'prime aux fainéants' -
Le coordinateur national du Syndicat national autonome des Professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest), Meziane Meriane, abonde dans le même sens : "On encourage ceux qui ont manqué de sérieux, qui n'ont pas été studieux. Cette décision est une prime aux fainéants".
Cette nouvelle session "coûteuse" est, en plus, "du pur gaspillage" d'argent public en pleine période d'austérité budgétaire, s'insurge également M. Meriane, rappelant qu'elle va mobiliser 12.000 enseignants dans plus de 4.000 salles d'examens.
Car alors que les retardataires étaient initialement évalués à moins de 10.000, il s'est avéré impossible de les différencier des candidats ne s'étant simplement pas présentés à l'une ou l'ensemble des épreuves.
Résultat, après une succession d'estimations et de réévaluations qui n'ont cessé d'enfler, ce sont plus de 104.000 candidats qui sont à nouveau convoqués à compter du 13 juillet.
"Il est temps que les politiques cessent de s'immiscer dans le domaine de la pédagogie", fulmine Meziane Meriane, "laissons les spécialistes appliquer ce qui est nécessaire au bon fonctionnement de l'école algérienne".
Sans remettre en cause la décision présidentielle, le président de l'Association nationale des parents d'élèves, Ahmed Khaled, craint de son côté les conséquences négatives d'une telle session "spéciale".
"Elle risque de les inciter à arriver sciemment en retard aux centres d'examens et exiger ensuite une session de rattrapage", a-t-il expliqué à l'AFP.
Pour préserver l'égalité des chances, il pense qu'il aurait été plus judicieux d'organiser une session de rattrapage en septembre, réunissant recalés, absents ou retardaires de juin.
Une session que prônait aussi le CLA et qu'il veut d'ores et déjà voir à l'ordre du jour pour l'ensemble des candidats, afin de garantir l'égalité des chances.
"Dès l'annonce des résultats des deux sessions, nous allons réclamer une session de rattrapage pour les élèves ayant échoué aux épreuves", promet le coordinateur du syndicat.
L'annonce des résultats de la cuvée 2017 du baccalauréat était prévue le 15 juillet, mais a été repoussée à la fin juillet, en même temps que ceux de la session spéciale. Une fois encore, les candidats de juin doivent attendre leurs camarades retardataires.
Avec AFP