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Amnesty dénonce des poursuites contre trois jeunes camerounais condamnés pour des plaisanteries sur Boko Haram


Des militaires camerounais de la Brigade d'intervention rapide assurent la sécurité près d’un hélicoptère à Kolofata, Cameroun, 16 mars 2016.
Des militaires camerounais de la Brigade d'intervention rapide assurent la sécurité près d’un hélicoptère à Kolofata, Cameroun, 16 mars 2016.

Amnesty International a lancé l’appel en direction des autorités camerounaises la veille du verdict du procès contre trois jeunes qui risquent 20 ans de prison pour avoir partagé un message de plaisanterie portant sur le recrutement de jeunes diplômés par Boko Haram.

"Les autorités doivent abandonner les charges retenues contre Fomusoh Ivo Feh et ses amis et les libérer immédiatement. Elles doivent aussi à l’avenir mettre fin aux arrestations arbitraires, une arme qui réduit au silence ceux qui exercent pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, dans le contexte de la lutte contre Boko Haram", a déclaré Balkissa Ide Siddo, chargée de campagne sur l’Afrique centrale à Amnesty International.

Pour Amnesty, "l’arrestation et le procès contre ces trois jeunes démontrent une fois de plus que le Cameroun utilise la lutte contre Boko Haram comme prétexte fallacieux pour procéder à des arrestations arbitraires".

Le tribunal militaire de Yaoundé prononcera ce 21 septembre le verdict du procès de Fomusoh Ivo Feh et de deux de ses amis, dont un élève. Arrêtés fin 2014, ils comparaissent depuis le 7 septembre dernier pour complicité d’insurrection et non-dénonciation.

Le 13 décembre 2014, Fomusoh Ivo Feh, a été arrêté par la police dans la ville de Limbé au sud-ouest du pays, quelques semaines après avoir fait suivre à des amis, un SMS sarcastique reçu d’un ami militaire. Le SMS incuminé disait : "Boko Haram recrute des jeunes de 14 ans et plus. Conditions de recrutement : avoir validé 4 matières et la religion au baccalauréat".

L’un des amis de Fomusoh a transféré le SMS à un lycéen, dont l’enseignant, qui avait confisqué le téléphone pendant un cours, en a pris connaissance. L’enseignant a montré le message à la police qui a d’abord arrêté le lycéen puis Fomusoh et son ami.

Le 14 janvier 2015, les trois jeunes ont été transférés à la prison principale de Yaoundé où ils étaient enchainés, jusqu’en avril 2015, suite à une intervention de leur avocat auprès du régisseur de la prison.

Les trois jeunes ont été présentés plus de 6 fois devant le tribunal militaire de Yaoundé qui, à chaque fois, a renvoyé l’audience pour diverses raisons, la plus fréquente ayant été l’absence d’interprète. Le 7 septembre dernier, Fomusoh Ivo Feh et ses deux amis ont dû insister pour que l’audience se tienne et que les débats soient ouverts, malgré l’absence, une fois encore, d’interprète. Au cours du procès, qui a duré environ 4 heures, les trois jeunes ont nié tout lien et toute appartenance à Boko Haram.

Dans son rapport publié en juillet dernier, "Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun", Amnesty International a démontré que les procédures judiciaires devant les tribunaux militaires visant les personnes suspectées d’appartenir à Boko Haram sont pour l’essentiel entachées de graves irrégularités de fond et de vices de procédure. Pour les personnes poursuivies, la charge de la preuve est en effet systématiquement inversée et les condamnations reposent très souvent sur des éléments limités et invérifiables.

"Le manque d'indépendance et d'impartialité inhérent aux tribunaux militaires suscite également de vives préoccupations quant au respect du droit à un procès équitable ", a déclaré Balkissa Ide Siddo.

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