"Je ne suis pas découragée", a-t-elle assuré la semaine dernière à l'AFP. Quelques heures plus tôt, un tribunal d'Harare lui a pourtant infligé une peine de dix-huit mois de détention, avec sursis cette fois, en échange de travaux d'intérêt général.
Son crime ? Avoir bloqué la circulation lors des manifestations contre le président Robert Mugabe qui avaient paralysé les transports publics dans la capitale en juillet 2016.
"Je n'ai commis aucun crime", assure Linda Masarira, 34 ans, "tout cela n'est qu'une parodie de justice".
En matière de contestation, cette veuve, mère de cinq enfants, est une multirécidiviste. Le régime a provoqué la faillite du pays, estime-t-elle, il faut d'urgence qu'il soit remplacé.
"La situation du Zimbabwe est mauvaise. Regardez l'économie: il n'y a pas de travail, les hôpitaux n'ont plus de médicaments et les gens meurent", déplore la militante, la voix chargée d'émotion.
"Notre génération a un mandat pour demander un Zimbabwe libre, juste et démocratique. Pas un Zimbabwe pour les élites".
Depuis 1980 et son indépendance, l'ancienne colonie britannique est dirigée d'une main de fer par un seul et même homme, Robert Mugabe, 93 ans, le plus vieux dirigeant en exercice de la planète.
Après bientôt quarante ans de règne, son pays est plongé dans une grave crise économique et financière. La quasi-totalité de sa population n'a pas d'emploi formel et se débat pour survivre. Et la moindre velléité de contestation y est aussitôt violemment réprimée par un appareil policier omniprésent.
Sous ce régime de plomb, Linda Masarira est de toutes les protestations depuis 2009. "Intolérante à l'injustice", selon ses mots, elle exige un autre avenir pour son pays.
- Infatigable -
"J'ai été arrêtée au moins dix fois et à chaque fois j'ai été frappée par la police", lance Linda, qui dit avoir eu un bras cassé par la police. "L'Etat ne peut pas agresser le peuple simplement parce qu'il demande le respect de ses droits", s'insurge celle qui a songé, avant d'y renoncer, à entrer en politique en 2013.
Au début du mois encore, elle a été tabassée par la police alors qu'elle soutenait dans la rue une grève des médecins.
"Je n'ai peur de rien. Il n'y a pas de lutte facile. Si ça devient facile, ce n'est plus une lutte et je suis toujours plus forte quand j'affronte des obstacles", assure Linda Masarira. "Je veux que mes enfants aient un espoir".
Même la prison ne l'a pas fait taire. Lors de son incarcération l'an dernier, elle a réussi à mobiliser les autres prisonnières pour dénoncer leurs mauvaises conditions de détention.
"La nourriture et la façon dont on était traitées étaient affreuses", se souvient-elle. Ses revendications lui ont valu un séjour en quartier de haute sécurité.
"J'ai toujours détesté l'oppression", explique Linda Masarira, qui assure avoir perdu sept fois son travail pour avoir, dit-elle, uniquement "réclamé le respect" de ses droits.
Sans surprise, la directrice de l'ONG "Les femmes du Zimbabwe en politique" s'est affichée l'an dernier en première ligne des défilés anti-Mugabe qui ont agité le pays.
Elle a d'abord rejoint le mouvement #Tajamuka ("Nous sommes agités") de la société civile, puis participé à la campagne #ThisFlag (#CeDrapeau) lancée par le pasteur Evan Mawarire.
Infatigable, Linda Masarira organise aussi régulièrement des veillées dans les parcs de la capitale Harare pour exiger des nouvelles d'Itai Dzamara, un opposant porté disparu depuis deux ans.
Deux autres poursuites en justice planent encore aujourd'hui sur son avenir: l'une pour injure au président, l'autre pour "nuisances criminelles". Rien toutefois qui puisse la détourner de son combat, assure la jeune femme.
"Nous devons nous battre pour le Zimbabwe que nous voulons", plaide-t-elle, "je me bats pour la liberté et un espace démocratique où chacun peut s'exprimer librement".
Avec AFP