"J'ai quitté le Burundi (...) parce que je n'étais plus capable de continuer à soutenir l'attitude du président de la République, sa volonté de conduire le peuple burundais sur la voie de l'illégalité", a-t-il déclaré sur France 24 mercredi soir, disant avoir aussi été visé par des "menaces" en raison de ses prises de positions contre une nouvelle candidature du chef de l'Etat.
Cette défection intervient à quatre jours d'élections législatives controversées, que l'opposition n'exclut pas de boycotter et dont la communauté internationale demande le report compte tenu de la grave crise que traverse le Burundi depuis l'annonce fin avril de la candidature de Pierre Nkurunziza, déjà élu en 2005 et 2010, à la présidentielle du 15 juillet.
Dans une lettre officielle, dont VOA Afrique a eu copie, M. Rufyikiri a également appelé le chef de l'Etat à "retirer" cette candidature dans l'"intérêt du peuple burundais".
Cette candidature va conduire le pays à "une véritable crise socio-politique", a-t-il mis en garde, rappelant qu'on en voyait déjà les conséquences avec des dizaines de milliers de Burundais réfugiés dans les pays voisins, des manifestations réprimée de façon "surdimensionnée" par la police et un isolement international croissant d'un pays au bord de l'effondrement économique.
Dénonçant "intimidations" et "menaces" contre opposants politiques et membres de la société civile contraints eux-aussi à "vivre dans la clandestinité ou à s'exiler", M. Rukyikiri a déploré un "dérapage du processus démocratique" au Burundi.
Le second vice-président a aussi regretté les "sanctions" infligées aux membres du parti au pouvoir, le Cndd-FDD, qui, comme lui, se sont opposés au troisième mandat.
"Alors qu'ils prévenaient une crise qu'ils voyaient venir, qu'ils exprimaient une peur fondée par rapport aux conséquences évidentes de cette crise et qu'ils vous proposaient la meilleure attitude à prendre pour ne pas rater ce tournant historique pour le Burundi, ils ont été marginalisés et humiliés, exclus ou suspendus du parti, démis de leurs fonctions au service de l'Etat avec interdiction de réintégration dans un service quelconque de l'Etat, intimidés et même menacés de mort", poursuit-il.
Rappelant au président Nkurunziza cette expression en kirundi qu'il aime à employer -- "Mu Burundi hari intumva" (au Burundi, il y a des sourds) -- il averti le chef de l'Etat que "l'histoire risquera de (le) classer en tête de liste de cette catégorie de Burundais si on considère comment (il a) tourné le dos à tous les acteurs qui (...) (lui) ont adressé des messages (lui) conseillant d'abandonner (son) ambition de briguer un troisième mandant anti-constitutionnel".
M. Rufyikiri était considéré comme l'un des grands intellectuels du régime au pouvoir au Burundi. Professeur d'université, très apprécié de la communauté internationale pour sa rigueur, il a été président du Sénat lors du 1er mandat de Nkurunziza de 2005 à 2010 avant de devenir 2e vice-président en charge des affaires économiques après la réélection du chef de l'Etat.
Il est considéré comme l'un des leaders des frondeurs du parti au pouvoir, qui ont contesté dès le mois d'avril la candidature de Nkurunziza à un 3e mandat. Quelque 130 hauts cadres "frondeurs", ouvertement opposés à ce troisième mandat ont été évincés de leurs postes, menacés, certains emprisonnés et d'autres ont fui en exil ou sont passés dans la clandestinité, disant craindre "pour leur vie".