Pour traduire le sentiment et le dépit de la population, la société civile de Beni a décidé de ne pas rencontrer M. Matata Ponyo, le Premier ministre congolais qui est sur place.
Les familles de victimes, elles, n’ont pas non-plus attendu l’arrivée du M. Matata pour enterrer leurs morts même si le gouvernement a prévu des obsèques officielles alors qu’un deuil national de trois jours a été décrété.
"Nous n’acceptons pas de rencontrer le Premier ministre tant que le président Joseph Kabila n’aura pas répondu à notre requête, celle de sanctionner le ministre de la Défense, celui de l’Intérieur mais aussi le chargé des opérations militaires qui ont brillé par une faiblesse notoire", tranche M. Kataliko.
"Nous estimons que les deux ministres n’ont pas mis les moyens nécessaires à la disposition des forces de sécurité et que le chef des opérations n’a pas fait son travail", se plaint-il sur VOA Afrique
Le Premier ministre congolais a été hué à son arrivée à la mairie de Beni
Selon le coordonnateur de la société civile du Nord-Kivu, la société a adressé un mémorandum au président Kabila à la suite du massacre de plus 50 personnes week-end dernier à Beni, dans le nord-est de la RDC.
"Nous demandons des actions, la fin de ces tueries répétées plutôt que de recevoir continuellement des délégations officielles ou d’avoir un deuil national", soutient M. Kataliko.
"Corrompu" alternant avec "démissionnez" que le Premier ministre Augustin Matata a achevé son court discours à la mairie de Beni où il venait de boucler une visite-éclair de plus de trois heures.
Le Premier ministre congolais a visité le lieu du massacre et a entamé une série des rencontres avec les notables locaux à la mairie. Mais la société civile tient à ne pas le voir.
"La population attend voir se concrétiser la promesse du président Kabila de mettre rapidement fin à ces massacres répétés", déclare également l’analyste Nicaise Kibel'Bel Oka, éditeur du journal Les Coulisses que VOA Afrique a joint.
"Je suis venu vous présenter les condoléances du président de la République Joseph Kabila", a déclaré M. Matata. Il a promis de dépêcher le ministre des Affaires sociales pour "une aide de l'État" aux rescapés.
"Qu'est-il venu faire? On n'a pas besoin d'aides humanitaires, mais de la paix" a protesté Germain Katembo, l'un des rescapés du massacre d'une cinquantaine de personnes, selon des organisations de la société civile, dans la nuit de samedi à dimanche, où il a perdu trois membres de sa famille.
"Les rebelles ougandais des ADF (Forces démocratiques alliées, ndlr) ont cuisiné et mangé allègrement dans le coin avant de passer à l'attaque", alors que "l'alerte avait été donnée suffisamment à temps, a déploré un autre manifestant, Cosmos Kombi, affirmant avoir retrouvé et enterré "deux corps de ses frères" lundi.
Les équipes de la société civile affirment avoir ramassé d’autres corps mardi, alourdissant le bilan de plus 50 corps donné la veille.
La population comme la société attendent que le gouvernement identifie clairement les auteurs de ces massacres.
Car, il est souvent fait état, mais sans certitude, des rebelles ougandais des ADF (Forces démocratiques alliées) qui opèrent entre le nord-est de la RDC, la Centrafrique et l’Ouganda.
"Mamadou, Mamadou" scandait la foule, en référence à l'emblématique et populaire colonel Mamadou Ndala tué en janvier 2014 près de Beni, alors que l'armée se préparait à lancer une opération contre les ADF.
Auréolé de plusieurs victoires, le colonel Ndala avait réconcilié de nombreux habitants du Nord-Kivu avec une armée congolaise réputée à cette époque surtout pour son inefficacité et son indiscipline.
Un colonel des Forces armées de la RDC et quatre miliciens ADF avaient été condamnés en novembre 2014 pour cet assassinat.
Beni et ses environs sont le théâtre depuis octobre 2014 de massacres essentiellement à l'arme blanche ayant fait plus de 650 morts. Le gouvernement congolais et la Mission de l'ONU en RDC (Monusco) attribuent ces tueries aux rebelles des ADF.
Selon la société civile, les forces de sécurité ont récemment présenté des individus qui ont déclaré être de nationalité diverse.
"C’est un réseau mais il revient au gouvernement de les identifier… Il s’agit d’un conglomérat des ressortissants des pays de la région : le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya, la Centrafrique, la Somalie… des ADF et de certains congolais", indique M. Kataliko.
"Les assaillants opèrent librement, tuent librement et nous venons le constater en même temps que les services de sécurité…", déplore Kataliko qui dénonce aussi le manque de respect réservé aux corps que le gouvernement a récupéré avant que les familles ne se révoltent.
La société civile compte plus de 1.300 abattue à l’arme blanche dans la région depuis novembre 2014.
Le président Kabila s’y est rendu fin de 2015 et a promis une solution. Mais une trentaine de civils ont été abattus pendant qu’il y séjournait. Et d’autres massacres ont continuer à être perpétrés.