Deux jours après la proclamation officielle des résultats ayant donné le chef de l'Etat vainqueur au premier tour avec plus de 60% des voix, ses cinq principaux concurrents sont apparus unis samedi pour contester la régularité du scrutin, et appeler le peuple à des "actions pacifiques", conscients du risque de répression dans ce pays au passé violent.
La population congolaise reste hantée par le spectre des guerres civiles de la décennie 1990 pendant laquelle M. Sassou Nguesso avait repris le pouvoir, en 1997 et du début des années 2000.
Plus récemment, des troubles meurtriers avaient terni la campagne pour le référendum constitutionnel d'octobre, qui a permis un changement de Constitution autorisant M. Sassou Nguesso à se représenter, et la présidentielle s'est tenue sous black-out, le pouvoir ayant fait couper tous les réseaux de télécommunication et internet.
Dans une déclaration commune, les cinq opposants engagent "le peuple congolais à exercer pleinement sa souveraineté sur sa victoire démocratique à travers des actions reconnues par la loi: villes mortes et autres grèves, meetings et marches pacifiques jusqu'au respect du verdict des urnes". La première "opération ville morte" est programmée pour mardi.
Dans leur déclaration dite "du 25 mars", les cinq candidats ayant choisi d'affronter M. Sassou par les urnes en dépit de leur opposition au changement de constitution qualifient de "forfaiture" les conditions de la tenue du scrutin et les résultats annoncés par le gouvernement.
Unis par une alliance électorale forgée avant le vote de dimanche pour tenter de mettre fin au long règne du président sortant, ils annoncent leur intention de déposer des recours devant la Cour constitutionnelle, car "la vérité", selon eux, est que M. Sassou Nguesso "a perdu l'élection présidentielle, malgré toute la fraude massive et grossièrement organisée dans un climat délétère".
Démarche responsable
L'AFP a obtenu samedi la confirmation que ce texte avait été signé par Guy-Brice Parfait Kolélas (arrivé deuxième avec plus de 15% des voix, selon le décompte officiel), le général Jean-Marie Michel Mokoko (troisième avec près de 14%), Claudine Munari, André Okombi Salissa et Pacal Tsaty Mabiala.
Leur déclaration semble réaliser une synthèse entre les vues de M. Kolélas, qui avait fait savoir son intention de contester les résultats du scrutin par des voies légales, et celles du général Mokoko, qui avait exhorté jeudi la population à la "désobéissance civile", terme que les autorités avaient assimilé à une "insurrection" et qui n'apparaît pas dans l'appel "du 25 mars".
Interrogé par l'AFP, le porte-parole du gouvernement congolais, Thierry Moungalla, a jugé que la contestation des résultats devant la Cour constitutionnelle était "une démarche responsable".
Sur l'appel aux autres actions populaires, il a déclaré que l'opposition avait lancé une initiative similaire après le référendum d'octobre, sans grand succès. "On va voir cette fois-ci si les choses vont se passer différemment", a-t-il ajouté, estimant que la population voulait revenir à une "vie normale".
Le Parti socialiste français, la formation du président français François Hollande, a jugé samedi "non crédible" la réélection de Denis Sassou Nguesso, selon un communiqué.
Après le vote dimanche dernier, Brazzaville et Pointe-Noire, capitale économique du pays, avaient offert le spectacle de villes désertées par une grande partie de la population craignant des violences postélectorales.
Venue à la veillée Pascale de la paroisse Saint-Pierre Claver, dans le quartier Bacongo de Brazzaville (acquis à l'opposition), Rose Adelle, une commerçante, aspirait à la "paix" samedi. "Nous sommes venus pour fêter la Pâques, mais plus précisément pour la paix dans notre pays parce qu'à ce jour, ce que nous voyons, ça ne marche pas trop."
Le ministère de l'Intérieur devrait déposer à partir de mardi les résultats officiels à la Cour constitutionnelle, qui aura alors 15 jours pour les valider, période pendant laquelle les signataires de la déclaration "du 25 mars" pourront déposer leurs recours. Les autorités ne cachent pas leur volonté d'aller vite pour "tourner la page" de l'élection.
Avec AFP