"Je suis le président de tous les Tchadiens", a déclaré M. Deby, 64 ans, arrivé par la force au pouvoir en 1990, dans son discours d'investiture pour un nouveau mandat de cinq ans devant une quinzaine de chefs d'Etat africains et le ministre français de la Défense.
L'ancien militaire a promis "une lutte implacable contre le terrorisme partout où il menace nos intérêts et notre sécurité", après avoir été officiellement proclamé vainqueur de l'élection du 10 avril dès le 1er tour avec 59,92% des voix.
Parmi les invités à la cérémonie dans l'auditorium d'un grand hôtel de N'Djamena figurent les alliés du Tchad dans la guerre contre les groupes jihadistes au Nigeria (Boko Haram) et dans le Sahel: Muhammadu Buhari (Nigeria), Mahamadou Issoufou (Niger), Ibrahim Boubacar Keita (Mali), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso) et Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie).
A leurs côtés se trouvait le représentant de leur homologue français François Hollande, son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
L'ex-puissance coloniale considère le Tchad et son armée comme son meilleur allié depuis ses interventions au Mali en 2013 puis en Centrafrique. La capitale N'Djamena est aussi le QG de l'opération militaire française Barkhane au Sahel.
Le chef de file de l'opposition, Saleh Kebzabo, officiellement second du scrutin d'avril avec 12,77% des voix, s'est déclaré "surpris et déçu" par la décision de la France d'envoyer un représentant de haut rang à l'investiture.
M. Kebzabo et toute l'opposition demandent en vain à la France et la communauté internationale de reconnaître "la nature dictatoriale" du régime de M. Deby.
M. Kebzabo a indiqué à l'AFP que l'opposition maintenait lundi l'opération "ville morte" dans les rues de N'Djamena pour protester contre la réélection de M. Deby qu'il qualifie de "hold up électoral".
L'opposition tente de s'unir
Dimanche, un jeune Tchadien a été tué par balle alors qu'il manifestait à N'Djamena à l'appel de l'opposition, un rassemblement interdit par le pouvoir pour des raisons de sécurité. Quatre personnes auraient aussi été blessées.
Comme samedi, où un meeting avait été dispersé par la police anti-émeute, l'opposition avait décidé de maintenir dimanche sa "marche pacifique", bravant l'interdiction décrétée par le pouvoir, pour qui les opposants veulent "intoxiquer l'opinion publique nationale et internationale".
L'opposition tente de faire feu de tout bois face à la poigne de fer de M. Deby. Vingt-neuf partis politiques se sont regroupés fin juillet autour de six candidats défaits à la présidentielle pour former le Front de l'opposition nouvelle pour l'alternance et le changement (Fonac), même si trois d'entre eux ont déjà fait défection depuis lors.
Vendredi, des opposants avaient annoncé le dépôt devant la Haute cour de justice d'une plainte pour "haute trahison" contre le président tchadien. Parmi les sept griefs invoqués: "prise illégale du pouvoir par la violence", "violation grave des droits de l'Homme" ou encore "détournement de fonds public et corruption".
Arrestations et disparitions d'opposants restent fréquentes dans ce pays de 12 millions d'habitants, comme celle en février 2008 de l'ancien chef de l'opposition, Ibni Oumar Mahamat Saleh, donné pour mort et dont le corps n'a jamais été retrouvé.
Malgré le régime sécuritaire qui laisse très peu d'espace à la contestation, le Tchad a connu depuis le début de l'année des tensions sociales inédites, signe d'un malaise grandissant sur fond de graves problèmes économiques.
Le viol collectif d'une lycéenne par des fils de dignitaires en février avait provoqué de nombreuses manifestations de colère dans plusieurs villes du pays, sévèrement réprimées par les forces de l'ordre.
Durant la campagne électorale, la société civile a organisé plusieurs marches pacifiques qui ont été à chaque fois interdites.
Le pouvoir est également fragilisé par un contexte économique difficile, alors que le pays subit de plein fouet la chute des cours du baril.
Les fonctionnaires, dont les salaires sont payés avec beaucoup de retard, multiplient depuis des mois les grèves, paralysant l'administration.
Le Tchad, devenu producteur de pétrole en 2003, reste l'un des cinq pays les plus pauvres au monde selon les Nations unies, où 70% de la population est analphabète.
Avec AFP