Au Bénin, cette démission à cinq mois de la fin du mandat des conseillers de la plus haute juridiction du pays est perçue comme une manœuvre du gouvernement Talon en vue de la fragiliser pour tout contrôler.
En 28 ans de vie constitutionnelle, c'est la première fois qu'un sage de la Cour constitutionnelle démissionne en pleine situation de crise. Les Béninois ont été surpris par ce départ inattendu au moment où il est attendu de cette institution des décisions pour décrisper la situation sociale du pays. À la cour, c'est un silence total autour de cette démission.
Pour le secrétaire général de l'institution, "les raisons de cette démission sont connues du président de la Cour et du démissionnaire".
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Pour certains hommes de droit, si la loi fondamentale permettait à tout sage de déposer quand il le désire son tablier, la période n'est pas favorable à un départ.
"C'est vrai que du point de vue du droit, c'est prévu, mais dans un tel contexte où la cour est attaquée par les médias, on devrait attendre, ne serait-ce que par sacrifice pour la nation avant de démissionner".
Pour d'autres, comme Bastien Salami, cette démission est le signe d'un malaise profond existant au sein de l'institution.
"La cour s'est trompée volontairement dans un but précis. Je suis à l'aise de dire qu'il y a un malaise profond au niveau de sorte que le conseiller qui a démissionné n'est certainement pas le seul", confie-t-il à VOA Afrique.
Le conseiller démissionnaire avait été nommé par le président de la République, il appartient donc au chef de l'Etat actuel de nommer son remplaçant.
Plusieurs associations ont appelé le chef de l'Etat à ne pas fragiliser les institutions de la République.
Le clergé s'y est même mêlé et, à travers une conférence de presse, a appelé "les hommes politiques à cesser d'utiliser l'argent à des fins peu recommandables".
"Que tous les fils et filles du Bénin fassent reculer le pouvoir de l'argent sur la vie politique nationale. Cette pratique mène à l'impasse et érige à petits coups un système d'appauvrissement matériel, morale et spirituel de notre société", a déclaré le clergé.
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En l'absence d'une version officielle sur les raisons de cette démission, les rumeurs vont bon train.
Le ministre de la Justice, Joseph Djogbenou, explique que "le gouvernement Talon est conscient que les décisions de la cour sont inattaquables".
"Nous sommes des êtres humains de liberté et c'est ce qui fait les grandes nations", a-t-il déclaré. "Il s'agira de transformer les difficultés en opportunités et de faire avancer notre pays".
Conformément au règlement intérieur de la Cour, son remplaçant devait être nommé au cours du mois de la démission, c’est-à-dire en janvier dernier. Au grand étonnement de l’opinion, le gouvernement qui doit procéder à cette nomination n’en parle pas.