En 2013 et 2014, trois entreprises à capitaux publics liées aux services secrets et au ministère de la Défense mozambicains avaient emprunté 2 milliards de dollars pour acheter du matériel de surveillance maritime et des navires.
Le rapport d'audit relève plusieurs incohérences et zones d'ombre dans l'utilisation de cet emprunt.
"Jusqu'à ce que ces incohérences soient expliquées et qu'une documentation satisfaisante soit fournie, au moins 500 millions de dollars de dépenses restent inexpliquées et n'ont pu être auditées", indique le document envoyé à l'AFP.
"Des procédures préliminaires sont en cours pour évaluer l'existence de délits et d'autres irrégularités", ajoute le texte.
Le cabinet d'audit a ainsi comparé le prix des équipements facturés aux entreprises à des prix estimés par un expert indépendant. La différence est édifiante: 713 millions de dollars.
"Des écarts demeurent pour comprendre exactement comment les deux milliards de dollars ont été utilisés", peut-on lire sur le document.
"Cette différence pourrait s'expliquer par des documents supplémentaires que le fournisseur n'a pas donnés à Kroll. Cependant, à la conclusion de l'audit, la différence reste inexpliquée et justifie une enquête plus approfondie", est-il précisé.
Le texte souligne le "rôle déterminant" joué par le fournisseur des équipements, le groupe Privinvest Shipbuilding, dirigé par l'homme d'affaires franco-libanais Iskandar Safa. M. Safa est notamment propriétaire des Constructions mécaniques de Normandie, qui ont fourni 30 chalutiers et patrouilleurs.
Les banques Crédit Suisse et VTB Capital ont quant à elles arrangé cinq emprunts pour les trois entreprises mozambicaines impliquées dans le projet, pour un total de 2 milliards de dollars.
10% de cet emprunt serait en outre parti dans des commissions: 58,8 millions de dollars pour les banques, 140,9 millions pour le fournisseur.
L'audit indépendant a été réalisé par le cabinet Kroll Associates UK à la demande du bureau du procureur mozambicain.
La révélation de l'affaire en avril 2016 avait suscité la colère des principaux bailleurs de fonds qui avaient gelé leur aide budgétaire, plongeant le Mozambique dans une crise économique et financière.
Cet audit est une des conditions nécessaires pour la reprise de l'aide internationale.
Le FMI a salué la publication de ce rapport, évoquant "un pas important vers une plus grande transparence de ces emprunts".
"Le résumé du rapport apporte des informations utiles sur la manière dont les emprunts ont été contractés et sur les équipements achetés par les compagnies", a estimé Ari Aisen, représentant du FMI au Mozambique, dans un communiqué.
"Cependant, des lacunes demeurent (...) particulièrement sur l'utilisation des montants des prêts " a-t-il ajouté.
Une mission du FMI est prévue du 10 au 19 juillet pour discuter de ce rapport.
L'affaire a viré à la bataille politique au Mozambique: l'opposition, convaincue de l'implication directe de l'ancien président Armando Guebuza et de son actuel successeur Filipe Nyusi, appelle à l'annulation de ces emprunts.
Avec AFP