Adama Barrow, accueilli le 15 janvier au Sénégal dans l'attente de son investiture, à la demande de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays), n'est plus apparu en public depuis, mais son entourage soutient qu'il prêtera serment jeudi en Gambie comme prévu, sans expliquer dans quelles conditions.
Un conseiller du président élu, Mai Fatty, a jugé "illégale" la proclamation de l'état d'urgence, qui "ne sera pas respectée et ne change rien", selon lui, dans un message sur son compte Facebook.
Banjul avait mercredi les allures de ville en sommeil : circulation réduite, des boutiques étaient fermées et des denrées alimentaires commençaient à manquer dans plusieurs quartiers, selon un journaliste de l'AFP et des témoins.
Par ailleurs, tous les malades, à l'exception des cas les plus graves, admis à l'hôpital Edward Francis Small, le plus grand du pays, ont commencé à être transférés vers d'autres établissements "en raison de la situation actuelle", a indiqué à l'AFP un membre de son personnel.
Cet hôpital est proche de la présidence qui fut le théâtre fin décembre 2014 d'une attaque armée, repoussée par la garde présidentielle, en l'absence du pays de Yahya Jammeh. Certains assaillants avaient fui en passant par l'hôpital, un temps investi par l'armée pendant leur traque, a-t-on indiqué.
A Old Jeshwang (banlieue), majoritairement peuplé de pêcheurs, les prises se sont raréfiées en raison du départ en exil de nombre d'habitants, selon des témoignages. Le poisson, le pain et les recharges de crédit téléphonique commencent à manquer, leurs vendeurs ayant fui la Gambie.
"Si cette impasse dure une ou deux semaines, le pays va manquer de nourriture", a dit à l'AFP Fatou Sarr, une résidente du quartier.
'Hors-la-loi'
Une vague de départs était aussi enregistrée parmi les touristes, en majorité des Britanniques et des Néerlandais attirés par les plages de sable fin de ce petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest.
Mercredi à la mi-journée, les plages étaient désertées, leurs chaises vides abandonnées aux chèvres.
Des groupes de touristes étaient évacués de leurs hôtels par bus lors d'opérations organisées par le voyagiste britannique Thomas Cook, qui a décidé de rapatrier un millier de Britanniques et a proposé à 2.500 autres clients en Gambie un retour anticipé. Le géant du tourisme TUI a annoncé l'évacuation d'environ 800 clients.
Pour Barry Curley, un Britannique de 70 ans arrivé mardi pour deux semaines, c'est une grande désillusion. "On a perdu notre temps. (...) Je me sens un peu lésé" mais j'espère que ça va bien se passer pour le pays", a-t-il dit.
Les prochaines heures sont cruciales pour la Gambie, plongée dans une grave crise depuis que M. Jammeh a annoncé le 9 décembre qu'il ne reconnaissait plus les résultats de la présidentielle du 1er décembre. Une semaine auparavant, il avait pourtant félicité M. Barrow pour sa victoire.
Yahya Jammeh, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 22 ans, affirme vouloir rester en place tant que la justice n'aura pas statué sur ses recours électoraux, malgré les pressions internationales pour qu'il cède le pouvoir jeudi après l'expiration de son mandat.
Le climat s'est encore alourdi lorsque Yahya Jammeh a décrété l'état d'urgence mardi après-midi.
L'état d'urgence, proclamé pour 90 jours avec l'approbation de l'Assemblée nationale "interdit de se livrer à des actes de désobéissance aux lois gambiennes, à l'incitation à la violence" ou de troubler l'ordre public.
Malgré cette décision, un membre de la coalition soutenant Adama Barrow, James Gomez, a assuré qu'une "grande célébration" aurait lieu pour sa prestation de serment jeudi, mais en un lieu dont le choix "est entre les mains de la Cédéao".
Jeudi, "un nouveau gouvernement sera installé. Si Jammeh ne démissionne pas à minuit" mercredi, "il sera déclaré hors-la-loi, chef rebelle, et sera traité en conséquence", a prévenu M. Fatty dans son message mardi soir
La Cédéao, qui presse Yahya Jammeh de céder le fauteuil présidentiel à M. Barrow, a prévenu à plusieurs reprises qu'elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort.
Avec AFP