Après avoir apparemment résisté à son interpellation, Alton Sterling a perdu la vie mardi à 37 ans. Sa mort a immédiatement réveillé le spectre du racisme dans la police américaine, trop souvent accusée de brutalités gratuites contre les Noirs.
Selon le journal local The Advocate, des dizaines de personnes se sont rassemblées mercredi soir à Baton Rouge, pour allumer des bougies sur les lieux de la mort d'Alton Sterling, qui vendait des CD sur le parking d'un centre commercial.
Ce père de cinq enfants y était connu sous le surnom de "CD man".
"Le principal organe chargé de l'enquête sera la division des droits civiques du ministère de la Justice, assistée du bureau du procureur de la Louisiane et du FBI", a annoncé aux médias John Bel Edwards, le gouverneur de cet Etat méridional.
Se disant "profondément préoccupé", M. Edwards a appelé au calme alors que plusieurs métropoles américaines, comme Baltimore et Ferguson, ont été le théâtre d'émeutes après de tels drames.
La Maison Blanche a d'ailleurs proposé son aide, a indiqué Kip Holden, le maire de Baton Rouge.
"A l'arrivée des policiers, Sterling était armé et l'altercation qui a suivi s'est conclue par la perte de sa vie", a déclaré Carl Dabadie, le chef de la police locale.
Il s'exprimait quelques heures après une autre conférence de presse empreinte d'émotion rassemblant les membres de la famille d'Alton Sterling. Ils ont affiché leur unité et exigé des comptes.
Réponse "inhabituellement rapide"
L'un des enfants d'Alton Sterling, Cameron, 15 ans, a éclaté en sanglots tandis que sa mère, Quinyetta McMillon parlait au micro.
"Nous poursuivrons jusqu'à ce que justice soit faite", a-t-elle lancé. "J'appelle quiconque avec assez de courage dans cette ville à aller arrêter ces deux agents. Si le système est le même pour tous, il doit l'être aussi pour eux".
La candidate démocrate à la Maison Blanche, Hillary Clinton, a regretté une "tragédie", dans un communiqué.
"Il y a un vrai problème lorsque tant d'Américains ont des raisons de croire que notre pays ne considère pas qu'ils ont autant de valeur que d'autres à cause de la couleur de leur peau", a-t-elle ajouté.
Comme c'est souvent le cas, cette affaire a pris une ampleur nationale grâce à une vidéo amateur. On y voit les deux policiers blancs tenter d'interpeller Alton Sterling.
Mais à la différence de nombreuses affaires semblables qui ont embrasé le pays ces dernières années, l'enquête fédérale "marque une réponse inhabituellement rapide du ministère américain de la Justice", a fait remarquer à l'AFP Phil Stinson, un expert en droit pénal.
"Normalement une enquête locale se déroule d'abord. (Mais) désormais, tout le monde s'intéresse à ces tirs (policiers). Il y a encore cinq ans, cela n'attirait l'attention de personne", a-t-il souligné.
D'après la vidéo, qui ne montre pas toute la séquence des faits, le vendeur à la sauvette semble refuser d'obtempérer aux agents, qui lui ordonnent de se mettre au sol. L'un des policiers le plaque alors, son collègue l'aidant à tenter de le maîtriser par terre.
"Il est armé!", entend-on quelqu'un crier. Les deux policiers dégainent alors leur arme et plusieurs détonations retentissent, avec un intervalle. M. Sterling apparaît avoir été touché à bout portant.
Sur une seconde vidéo apparue plus tard, filmée sous un autre angle, Alton Sterling est vu saignant abondamment du thorax, un des deux policiers retirant de la poche de son short ce qui pourrait être une arme.
Les deux agents font l'objet d'une suspension administrative, conformément à "la procédure en vigueur", a précisé la police de Baton Rouge.
La première vidéo était largement consultée sur internet.
"Trop c'est trop", a tweeté le mouvement Black Lives Matter ("Les vies des Noirs comptent"), qui dénonce les abus policiers contre les Afro-américains aux Etats-Unis.
Il s'agit d'un "lynchage légal. La justice doit l'emporter. #Outré", s'est indigné le révérend Jesse Jackson, célèbre militant américain pour les droits civiques.
Avec AFP