Les parties libyennes sont appelées au dialogue alors que la communauté internationale s'alarme des risques d'une guerre civile frontale entre les forces du gouvernement d'union (GNA) basé à Tripoli et soutenu par l'ONU, et celles du gouvernement parallèle siégeant à Bayda (est).
L'émissaire de l'ONU, Martin Kobler, a mis en garde contre la "division" de la Libye, toujours plongée dans l'instabilité près de cinq ans après la chute du régime du dictateur Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011 après huit mois de révolte.
Depuis Tripoli, M. Sarraj a appelé "toutes les parties" à "se réunir d'urgence autour d'une même table pour discuter d'un mécanisme permettant de sortir de la crise et de mettre fin au conflit". Il a ajouté qu'il n'accepterait pas de "diriger une partie libyenne ou une guerre contre une autre partie libyenne".
Cette déclaration survient alors que M. Sarraj apparaît affaibli par ce revers militaire et contesté au sein même du gouvernement d'union. Deux de ses membres ont en effet proclamé leur soutien à l'offensive lancée dimanche sur les terminaux pétroliers.
Cette dernière "permettra à l'Etat de contrôler ses ressources et de les mettre au service de tous les Libyens", ont affirmé dans un communiqué les deux vice-Premiers ministres Ali al-Qatrani et Fathi al-Majbari.
Le GNA, installé depuis mars à Tripoli, est certes reconnu par la communauté internationale mais son influence ne s'exerce que sur une partie du territoire, essentiellement dans l'ouest où il est soutenu par de puissantes milices comme celle de la ville de Misrata.
Les autorités basées dans l'Est, la région la plus riche, ne reconnaissent pas sa légitimité et ont montré leur force en s'emparant en trois jours des installations de la région du Croissant pétrolier (nord-est).
Relancer le pétrole
Depuis dimanche, leurs unités n'ont pas rencontré de grandes difficultés pour prendre le contrôle des terminaux d'Al-Sedra et de Ras Lanouf, les deux plus importants du pays, puis des ports de Zoueitina et Brega.
"Nous contrôlons désormais toute la région du Croissant pétrolier", a déclaré mardi un responsable des forces de l'est.
Cette offensive est dirigée par le général Haftar, le chef proclamé de l'armée des autorités parallèles qui est considéré comme le principal obstacle au processus parrainé par l'ONU en vue de rassembler les parties libyennes.
Les Etats-Unis ainsi que l'Italie, l'Allemagne et la France ont appelé ensemble "au retrait immédiat et sans conditions des forces armées du Croissant pétrolier".
M. Kobler a averti, lui, que la résolution 2259 de l'ONU interdisait "clairement les exportations illégales de pétrole" et stipule que ses installations pétrolières doivent être sous l'autorité du GNA.
Mercredi, le président de la Compagnie nationale de pétrole (NOC) liée au GNA, Mustafa Sanalla, est arrivé au port de Zoueitina, a rapporté l'agence de presse proche des autorités parallèles. Il a promis de relancer les exportations du pétrole libyen "dans l'immédiat, à commencer par le terminal de Zoueitina".
Sur le site internet de la NOC, M. Sanalla a indiqué que "les équipes techniques avaient déjà commencé à évaluer les dommages et les réparations nécessaires (...) pour pouvoir relancer les exportations dans les délais les plus brefs". Il n'a cependant pas précisé quelles autorités gèreraient les exportations.
Polémique à Londres
La Libye a un besoin urgent de relancer sa production pétrolière, qui a été divisée par cinq depuis 2010, alors que le pays dispose des plus importantes réserves pétrolières d'Afrique (estimées à 48 milliards de barils).
Loin de Tripoli, la crise libyenne crée des remous à Londres après la publication mardi d'un rapport dénonçant l'intervention militaire des Britanniques et des Français dans la révolte ayant conduit à la chute de Kadhafi.
"La stratégie du Royaume-Uni fut fondée sur des postulats erronés", critique la Commission des Affaires étrangères du Parlement, en regrettant que Londres se soit "focalisé exclusivement sur le changement de régime par des moyens militaires".
Pour les parlementaires, le Premier ministre de l'époque, David Cameron, qui a pris ses décisions avec le président français Nicolas Sarkozy, aurait dû savoir que les islamistes radicaux allaient chercher à profiter de la rébellion.
Cinq ans après, le pays livré aux milices formées d'ex-rebelles, reste miné par les luttes de pouvoir et les violences meurtrières, ce qui a favorisé la montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Avec AFP