Son procès devant un tribunal spécial africain siégeant à Dakar est le premier au monde où un ancien chef d'Etat est traduit devant une juridiction d'un autre pays pour violations présumées des droits de l'homme.
Depuis l'instruction, ses partisans le présentent comme la victime d'un "complot de l'Occident". Ultime retournement pour un homme dont le parcours dans les années 1970 et 1980 s'inscrit dans l'histoire agitée du Tchad indépendant dont il a été le troisième président pendant huit ans jusqu'à son renversement en 1990.
"Combattant du désert", "homme des maquis", "chef de guerre": les qualificatifs abondent pour exalter ses qualités militaires.
L’avocat américain Reed Brody, qui s’est battu aux cotes victimes a déclaré à VOA Afrique que ce verdict est un avertissement à tous les dirigeants qui abusent de leurs pouvoirs.
Né en août 1942 à Faya-Largeau (nord), il grandit dans le désert du Djourab, au milieu de bergers nomades. Intelligent, il est remarqué par ses maîtres.
Devenu sous-préfet, il part étudier en France en 1963, à l'Institut des hautes études d'Outre-mer. Il étudie ensuite le droit à Paris, y fréquente l'Institut d'études politiques et fait son éducation politique en dévorant Frantz Fanon, Ernesto "Che" Guevara, Raymond Aron...
Treillis contre boubou
De retour au Tchad en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), dont il prend la tête, avant de fonder avec un autre Nordiste, Goukouni Weddeye, le conseil des Forces armées du Nord (Fan).
A partir de 1974, il se fait connaître à l'étranger en retenant en otage durant trois ans l'ethnologue française Françoise Claustre, obligeant la France à négocier avec la rébellion.
Il est ensuite Premier ministre du président Félix Malloum, avec qui il rompra, puis ministre de la Défense de Goukouni Weddeye, président du Gouvernement d'union nationale créé en 1979.
Nationaliste convaincu et farouchement opposé au dirigeant libyen de l'époque Mouammar Kadhafi, qui a les sympathies de Weddeye, il rompt peu après avec son ancien allié, déclenchant une guerre civile à N'Djamena qu'il doit évacuer fin 1980.
A partir de l'est du Tchad où il a repris le maquis, il combat Goukouni Weddeye soutenu par Tripoli, pour rentrer victorieusement en 1982 à N'Djamena d'où il gouvernera huit ans durant, soutenu face à Kadhafi par la France et les Etats-Unis.
Son pouvoir est marqué par une terrible répression: les opposants - réels ou supposés - sont arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS, police politique), torturés, souvent exécutés. Une commission d'enquête estimera à plus de 40.000 le nombre de personnes mortes en détention ou exécutées, dont 4.000 identifiées nommément.
En décembre 1990, Habré quitte précipitamment N'Djamena, fuyant l'attaque éclair des rebelles d'Idriss Deby Itno (l'actuel président tchadien), un de ses généraux qui a fait défection 18 mois plus tôt et a envahi le pays depuis le Soudan.
Il trouve alors refuge à Dakar pour un exil qui sera paisible pendant plus de vingt ans. Au Sénégal, il troque treillis et casquette kaki pour le boubou et le chapelet.
Perçu comme un musulman pratiquant, il se fait apprécier de ses voisins, avec lesquels il prie lors des fêtes religieuses, se montre aussi discret que généreux, participant à la construction de mosquées ou au financement du club de foot...
En 2011, quand le président sénégalais Abdoulaye Wade crée la surprise en voulant finalement l'expulser vers N'Djamena, des habitants du quartier de Ouakam manifestent leur soutien à M. Habré, en soulignant qu'il a une femme et des enfants sénégalais.
Il est finalement arrêté le 30 juin 2013 à Dakar puis inculpé, jugé et, jeudi, définitivement condamné à passer le reste de sa vie en prison.
Avec AFP