Annoncé jeudi soir, le décès du patron de la Résistance nationale du Mozambique (Renamo), 65 ans, dans son camp retranché de montagnes de Gorongosa (centre) a pris tout le pays de cours.
Lors d'un entretien accordé en urgence à la télévision nationale, le président Filipe Nyusi a confié son désarroi face à la disparition de son adversaire, dont il appris très tardivement qu'il souffrait, selon les médias locaux, d'un sévère diabète.
"Je suis bouleversé car j'aurais dû obtenir son transfert (pour des raisons médicales), mais ils (la Renamo) ne m'ont pas dit il y a une semaine qu'il était malade. Je l'ai seulement appris il y a un jour", a regretté le chef de l'Etat.
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La presse locale a affirmé que l'hélicoptère que M. Nuysi avait dépêché à Gorongosa pour faire hospitaliser d'urgence Afonso Dhlakama était arrivé trop tard.
"C'est une mauvaise période pour nous", a ajouté le président, qui négociait depuis plusieurs mois directement avec le chef de la Renamo un accord de paix susceptible de mettre un terme à la rébellion relancée par la Renamo fin 2013.
"Il a tout fait pour qu'il y ait la paix (...) c'est un citoyen qui a toujours travaillé pour le Mozambique", a-t-il dit en hommage. "Concentrons nous désormais, y compris la Renamo, pour que le Mozambique n'ait pas de problèmes".
- 'Complications' -
A six mois des élections locales et un an et demi des prochains scrutins présidentiel et législatifs, la disparition d'Afonso Dhlakama risque de retarder l'issue des pourparlers.
"Sa mort va compliquer les efforts de paix", a estimé à l'AFP Alex Vines, du centre de réflexion britannique Chatham House.
"J'anticipais un accord dans les huit prochaines semaines, ce ne sera pas possible", a-t-il ajouté, "le pouvoir au sein de la Renamo était très centralisé autour de Dhlakama et toutes les décisions importantes n'étaient prises qu'avec son aval".
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Pendant trente-neuf ans, Afonso Dhlakama a dirigé d'une main de fer le mouvement, qui a combattu le Front de libération du Mozambique (Frelimo, au pouvoir) jusqu'en 1992 lors d'une guerre civile particulièrement meurtrière.
Au retour à la paix, il est devenu le premier opposant du régime mais a échoué systématiquement à l'élection présidentielle.
Son parti avait repris les armes dans le centre du pays en 2013 pour contester la mainmise du parti au pouvoir. Après une nouvelle défaite à la présidentielle en 2015 face à l'actuel président, M. Dhlakama avait repris le maquis.
Fin 2016, il a toutefois proclamé un cessez-le-feu. Cette trêve est depuis respectée et a permis au gouvernement et à la Renamo de faire avancer les discussions en vue d'une paix durable.
Les deux parties se sont notamment accordées sur une réforme constitutionnelle dite de "décentralisation" qui doit permettre à la Renamo d'obtenir quelques postes de gouverneurs de provinces lors des prochaines élections locales.
Elles continuaient à discuter de l'épineuse intégration des éléments armés de la Renamo dans l'armée et la police.
Le décès du chef incontesté du parti "soulève aussi la question essentielle de la capacité de son prochain dirigeant à contrôler des centaines d'hommes armés qui se trouvent dans le bush", s'est inquiétée auprès de l'AFP Zenaida Machado, de l'organisation Human Rights Watch (HRW).
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La mort de son chef risque d'affecter politiquement la Renamo, qui semblait progresser à quelques mois des élections locales. "Cela va impacter leurs performances", a jugé Alex Vines.
Sonné, le parti d'opposition n'avait toujours pas réagi vendredi matin à la disparition de son chef.
D'autres redoutent désormais que la mort de son adversaire ne renforce la dérive autoritaire reprochée au président Nyusi.
"C'est le retour de la dictature car Afonso Dhlakama (...) a mis le Frelimo sur le droit chemin en l'obligeant à négocier", s'est inquiété le professeur de sciences politiques Domingos do Rosario, de l'université Eduardo Mondlane.
Elu fin 2014, Filipe Nyusi est déstabilisé depuis plus d'un an par le scandale dit de la "dette cachée".
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Le Mozambique, un des pays les plus pauvres du continent, est plongé dans une grave crise économique et financière provoquée par la découverte d'une dette de 2 milliards de dollars que son gouvernement avait tenue secrète.
L'opposition accuse le chef de l'Etat d'avoir bénéficié personnellement de cette opération.
Avec AFP