Depuis plusieurs semaines, les marchés financiers bruissent d'interrogations sur le montant réel de la dette publique extérieure du pays, qui pourrait être nettement supérieure aux 8,7 milliards de dollars officiellement affichés.
"Sur la foi de documents en notre possession, nous estimons que la dette extérieure pourrait atteindre 15,6 milliards de dollars", résume Robert Besseling, du cabinet EXX Africa.
"En l'absence d'un programme d'aide du Fonds monétaire international (FMI) pour renforcer ses réserves de devises et rétablir sa balance des paiements, la Zambie se dirige rapidement vers une grave crise économique et financière", prévient-il.
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La sanction ne s'est pas fait attendre. La valeur des titres émis par la Zambie a nettement reculé. Ses obligations en euros affichent déjà les plus mauvaises performances de tous les pays émergents.
Sommé de s'expliquer, le gouvernement de Lusaka dément fermement l'existence d'emprunts secrets.
"La ministre des Finances (Margaret Mwanakatwe) a répété que notre dette s'élevait à 8,7 milliards de dollars. Il n'y a aucune raison de spéculer sur le fait qu'elle serait supérieure", insiste son porte-parole, Chileshe Kandeta.
"Que ceux qui disent le contraire le prouvent", lance-t-il.
Erreur
Difficile, mais la plupart des acteurs financiers en restent convaincus. Deuxième producteur de cuivre du continent africain, la Zambie emprunte à tout-va, sans forcément en rendre compte.
Les premières rumeurs sur une "dette cachée" zambienne sont apparues en juin 2017, lorsque le ministre des Finances de l'époque, Felix Mutati, avait lâché devant le Parlement que la dette du pays atteignait 17,2 milliards de dollars.
Le chiffre, bien supérieur aux estimations, avait immédiatement fait froncer les sourcils des marchés. Le ministre l'avait rectifié à la baisse quelques jours plus tard, à 7,2 milliards de dollars. Une erreur, avait-il plaidé.
Mais trop tard, le mal était fait. Les estimations les plus alarmistes continuent de circuler depuis à Lusaka.
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"Ils cachent les vrais chiffres", accuse le député et ancien ministre Chishimba Kambwili, en rupture de ban avec le gouvernement du président Edgar Lungu. "Notre dette extérieure se situe en réalité autour de 23 milliards de dollars", ajoute-t-il, "ils ne peuvent pas prétendre que tout va bien, c'est inacceptable".
Nombre d'analystes redoutent désormais la répétition en Zambie de la situation du Mozambique voisin.
Depuis deux ans, ce pays, l'un des plus pauvres du continent, est plongé dans une grave crise économique et financière provoquée par la découverte d'une dette de 2 milliards de dollars que son gouvernement avait cachée.
Les bailleurs de fonds l'ont sanctionné en gelant leur aide budgétaire. Maputo a depuis suspendu ses remboursements à ses créanciers et cherche à renégocier sa dette.
"Crise de la dette"
A leur tour soupçonnées de dissimulation, les autorités de Lusaka peinent depuis maintenant des mois à convaincre le FMI de leur accorder un prêt de 1,3 milliard de dollars.
En février, l'institution internationale a opposé une fin de non-recevoir à leur dernier plan d'emprunt, au motif qu'il "compromet la capacité du pays à rembourser sa dette et risque de saper sa stabilité macroéconomique".
Après avoir affiché des taux de plus de 10% dans les années 2000, la croissance a nettement ralenti ces dernières années en Zambie, victime de la dégringolade des cours du cuivre.
Les prix ont cependant commencé à se redresser et la ministre Margaret Mwanakatwe, optimiste, table sur un taux de 4% en 2018.
Mais la situation financière du pays reste très fragile. Malgré la baisse de ses revenus miniers, le gouvernement du Front patriotique (PF) ne s'est pas serré la ceinture.
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Son endettement atteindrait aujourd'hui, susurrent certains analystes, 100% de son produit national brut (PNB).
"Le régime du PF est le plus fiscalement irresponsable de toute l'histoire de la Zambie", a déploré l'ex-ministre et ancien vice-président Nevers Sekwila Mumba.
Tous les indicateurs financiers de la Zambie ont viré au rouge.
"Les soupçons de dette cachée (...) ne vont faire qu'exacerber les soucis fiscaux du pays", redoute le cabinet BMI Research. "Et la remontée des cours du cuivre n'empêchera pas une sérieuse crise de la dette", renchérit Robert Besseling.
Avec AFP