Le président Jacob Zuma prononcera jeudi son discours annuel sur l'état de la nation au Parlement alors que la presse locale estime qu’il est politiquement affaibli par une succession de polémiques et de gaffes.
Pour les médias sud-africains, le pays traverse sa période la plus difficile depuis la fin de l'apartheid.
L'opposition et des organisations civiles du mouvement "Zuma must fall" (Zuma doit partir) ont prévu de manifester dans plusieurs grandes villes pendant le discours du président Zuma.
A l'Assemblée, la sécurité a été renforcée. L'année dernière, des députés de l'opposition avaient empêché le président de s'exprimer et avaient été expulsés sans ménagement.
L'Afrique du Sud connaît un regain de tensions raciales sur fond de profond malaise social. Le chômage touche officiellement 25% de la population et des millions de Noirs vivent encore dans des bidonvilles, près de 22 ans après l'arrivée au pouvoir du Congrès national africain (ANC), parti de Jacob Zuma.
"Nous entrons dans l'année la plus éprouvante de la courte histoire de l'Afrique du Sud moderne", estime Allister Sparks, commentateur politique.
A moins que Zuma ne soit évincé de la présidence par son propre parti, l'érosion rapide de l'économie "risque de déclencher une violente révolte politique et populiste", écrit-il dans un éditorial de News24.
Tant que l'ANC, le parti majoritaire, ne se retourne pas contre son président, Jacob Zuma ne risque pas de perdre sa place. Mais il a essuyé plusieurs revers majeurs.
En décembre, il avait mis à la porte sans explication un ministre des Finances respecté, pour nommer un député inconnu qui faisait figure de pantin.
Sous la pression des marchés affolés- la monnaie locale avait aussitôt dégringolé- il avait dû rétropédaler et le remplacer quelques jours plus tard par Pravin Gordhan, un ancien ministre des Finances réputé.
'Rends l'argent!'
La semaine dernière, le chef de l'Etat a même tenté une volte-face sur le scandale qui empoisonne son mandat depuis plus de deux ans. Il s'est dit prêt à rembourser une partie des 20 millions d'euros d'argent public utilisés pour rénover sa résidence privée de Nkandla.
Cette affaire pèse sur sa présidence: chacune de ses apparitions au Parlement est perturbée par des interpellations du groupe de la gauche populiste qui scande: "Rends l'argent, rends l'argent!".
Mardi, la Cour constitutionnelle a entendu les avocats des deux principaux partis d'opposition, qui ont demandé que le président soit contraint de rembourser les sommes indûment dépensées.
La session était retransmise en directe à la télévision, tandis que plusieurs centaines de manifestants rassemblés devant la Cour martelaient le slogan désormais célèbre en Afrique du Sud: "Rends l'argent, rends l'argent!"
Et rien ne garantit que le discours du Cap ne sera pas perturbé comme l'an dernier par des incidents de séance.
Les mécontents rassemblés derrière la bannière "Zuma must fall" n'ont pas que Nkandla en tête : l'année 2015 a vu les pauvres se mobiliser contre le manque d'infrastructures et les étudiants manifester violemment contre la hausse des frais universitaires.
Aux élections municipales en août, l'ANC pourrait cependant s'en tirer en jouant la carte raciale, à un moment où le sujet plombe le débat politique comme jamais depuis la fin du régime ségrégationniste d'apartheid.
Le parti de Nelson Mandela est en effet toujours considéré comme le parti de la libération des Noirs, tandis que l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition, reste perçu comme "un parti de Blancs", même si son dirigeant est noir.
Les tensions ont culminé récemment quand une adhérente blanche de la DA s'est plainte sur Facebook des Noirs qui jettent des déchets sur les plages, les comparant à des "singes".
Une employée du gouvernement, Velaphi Khumalo, a répondu sur les réseaux sociaux que les Noirs devaient se comporter avec les Blancs "comme Hitler avec les juifs."
Même si ces éruptions de haine numérique ne reflètent pas forcément la majorité de la population, certains analystes pensent que les controverses raciales pèseront plus que les enjeux économiques aux élections locales.
"C'est le problème sud-africain, la ligne de fracture", assure à l'AFP Steven Friedman, directeur du Centre d'étude de la démocratie à l'Université Rhodes. "La plupart des sujets politiques peuvent être expliqués à la lumière des questions raciales."
Avec AFP