Quatre-vingt millions d'hectares de terres arables, dont 10% seulement seraient cultivées: la statistique se vérifie en tous cas à l'oeil nu quand l'avion se pose à Kinshasa, avec des terres limoneuses et souvent vierges le long des méandres du fleuve Congo.
"Nos terres sont parmi les plus fertiles du monde", déclarait à l'autre bout du pays le gouverneur du Tanganyika (sud-est) en recevant des journalistes en mars dernier.
Et pourtant, le pays est aujourd'hui un importateur net de denrées alimentaires. Et six à sept millions de Congolais ne mangent pas à leur faim, selon des sources humanitaires.
Le candidat de la majorité, Emmanuel Ramazani Shadary, a promis de faire de l'agriculture un des piliers de la diversification de l'économie avec le tourisme.
Un de ses principaux rivaux de l'opposition, Martin Fayulu, s'est engagé à "décréter l'État d'urgence agricole pour que plus aucun Congolais ne meurre de faim dans un an".
Pour sortir de la petite agriculture de subsistance, l'actuel pouvoir du président Joseph Kabila a tenté la carte de l'agro-industrie en inaugurant en 2014 le parc de Bukanga Lonzo, à 220 km à l'est de Kinshasa.
- "Tout coûte très cher" -
Ce projet pilote sur 75.000 hectares devait être le premier d'une vingtaine dans le même genre, avec l'aide d'un partenaire sud-africain, Africom Commodities.
Mais depuis, la production est au point mort. "Après un départ timide, ce parc renaît de ses cendres", a assuré en juin dernier la chaîne d'État RTNC dans un reportage niant toute fermeture.
Africom a plié bagages l'an dernier et a saisi en juillet une "Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale à Paris" pour réclamer au gouvernement congolais 20 millions de remboursement.
"Les Sud-Africains sont partis sans même dire au revoir", lance à l'AFP un responsable congolais sans donner davantage de précisions.
Si l'expérience ambitieuse des parcs agro-industriels n'a pas porté ses fruits, des initiatives agricoles communautaires et privées sont bien plus prometteuses.
Sur le plateau des Bateke, à une centaine de km dans la périphérie Est de Kinshasa, le centre agro-pastoral Bondeko ya Sika s'active pour la récolte de ses 15 hectares de manioc avant la saison des pluies qui s'étend de novembre à mars.
"La récolte a commencé en mai et l'on a déjà récolté 100 sacs de cossettes de maniocs", se félicite Aimée-Georgette Kapaya, responsable du centre.
Épidémiologiste de formation, Mme Kapaya a appris l'agriculture "sur le tas" à la tête de cette structure appartenant à l'Eglise catholique.
"J'adore la terre, je prends du plaisir à la toucher. Alors , je me suis dit +je veux me lancer+", déclare Mme Kapaya.
- Parcours de combattant -
Comme dans plusieurs secteurs d'activités en RDC, l'entrepreneuriat agricole relève d'un parcours de combattant. "Les difficultés sont nombreuses: le manque d'outils aratoires", détaille Mme Kapaya. qui souligne également le manque de financement.
Préparation du sol, récolte, achememinement des produits vers les marchés de Kinshasa: "Tout coûte très cher. Pour un hectare, il faut dépenser au moins 800 dollars", selon Mme Kapaya.
Troisième ville d'Afrique avec ses 12 millions de bouches à nourrir, Kinshasa est un gigantesque marché agricole. La capitale abrite aussi dans ses limites mêmes des activités maraichères et agricoles sur les bords du fleuve: culture de riz, de légumes, etc.
"Nous ne vivons que de l'agriculture et de l'élevage. Il n'y a pas de raisons de négliger l'agriculture", confie Catherine Tshoba, ex-salariée de l'entreprise d'Etat de sidérurgie Makuku, qui s'est reconvertie dans la cultutre des feuilles de manioc sans tubercules.
"Que le gouvernement nous aide: il nous manque des intrants agricoles, des graines, le moyen de transport pour l'évacuation des produits vers le centre ville", implore cette présidente d'une ONG.
Réservoir des minerais (cobalt, cuivre, coltan, or, diamant...) l'Est du pays produit aussi du maïs, des haricots, jusqu'à du café.
Dans les montagnes ou les plaines du Nord-Kivu, les cultures sont parfois à l'arrêt à cause des groupes armés.
A Beni (Nord Kivu), "des centaines d'agriculteurs sont paralysés par la peur d'être tués par des groupes armés si bien qu'ils refusent d'aller cultiver leurs champs", a indiqué le Conseil norvégien pour les réfugiés, une ONG. Les massacres qui ont lieu dans la région ont ciblé beaucoup de petits agriculteurs dans les champs.
Avec AFP