Cette décision aux allures de jugement de Salomon d'un tribunal du Schleswig-Holstein (nord) a en effet jugé "recevable" la seule accusation de détournement de fonds publics. Le parquet allemand a précisé qu'il allait dès lors décider "sous peu" de sa remise aux autorités espagnoles sur la base de ce seul motif.
L'ex-président de la Catalogne destitué par Madrid "reste libre" dans l'intervalle, poursuit la cour. Il se trouve en Allemagne depuis son interpellation en mars dans le Schleswig-Holstein alors qu'il revenait d'un déplacement en Finlande, en voiture, en route pour la Belgique où il s'était installé pour échapper à la justice de son pays.
"Nous nous battrons jusqu'au bout et gagnerons !", a réagi l'intéressé sur Twitter peu après que la justice a ouvert la voie à son retour en Espagne. L'un de ses avocats, Jaume Alonso-Cuevillas a indiqué qu'un recours devant la Cour constitutionnelle allemande était en préparation.
"Nous ne commentons pas les décisions de justice, nous les respectons", a pour sa part réagi depuis Bruxelles, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.
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Poursuivi pour rébellion et malversations en raison du référendum d'indépendance catalan organisé à l'automne 2017, M. Puigdemont a été brièvement incarcéré en Allemagne puis libéré dans l'attente d'une décision sur la recevabilité des motifs du mandat d'arrêt européen émis par Madrid à son encontre.
- 'Aberrant' -
La décision du tribunal porte donc un coup aux chefs d'accusation espagnols, car elle empêche un procès pour rébellion, crime passible de 25 ans de prison: "la cour part du principe que le tribunal espagnol respectera (la décision allemande) et qu'il ne poursuivra pas l'accusé Puigdemont pour rébellion en plus de l'accusation de corruption".
Pour les juges, cette accusation n'est pas recevable en droit allemand car il "n'était pas le chef spirituel de violences" et que les dites "violences (qui ont eu lieu en Catalogne à l'époque du référendum) n'étaient pas d'une ampleur suffisante" pour justifier de telles poursuites.
Dès le début de cette affaire, ce chef d'inculpation apparaissait comme le point faible du dossier monté par Madrid pour obtenir la remise du dirigeant catalan. Même en Espagne l'accusation de rébellion est sujette à débat.
Mais la décision allemande n'est pas pour autant une victoire pour l'indépendantiste qui s'estime victime de poursuites politiques et réclamait dès lors qu'une fin de non-recevoir soit opposée aux autorités espagnoles.
"Il est aberrant de porter (une telle accusation) contre l'Etat espagnol, membre de la communauté de valeur et de l'espace juridique de l'Union européenne", a asséné le tribunal, laminant les arguments du Catalan.
- 'Criminalisation d'un comportement démocratique' -
Les avocats de M. Puigdemont ont dès lors critiqué la décision rendue lundi.
"Nous sommes convaincus que l'Allemagne ne doit pas prendre part à la criminalisation d'un comportement démocratique (ndlr, l'organisation d'un référendum) et qu'elle ne doit pas se mêler de querelles explosives internes à l'Espagne. Nous allons sous peu décider de la marche à suivre", ont commenté dans un communiqué trois avocats allemands du leader catalan.
Au total, 25 dirigeants séparatistes catalans sont inculpés pour leur rôle dans la tentative de sécession de l'Espagne du 27 octobre, le jour du vote par le parlement catalan d'une vaine déclaration unilatérale d'indépendance.
Parmi eux, treize sont accusés de rébellion. Neuf d'entre eux sont en détention provisoire et quatre se sont enfuis à l'étranger comme Carles Puigdemont.
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La chute du gouvernement conservateur espagnol début juin et l'arrivée aux commandes du socialiste Pedro Sanchez a donné un timide espoir d'une reprise du dialogue entre les indépendantistes au pouvoir en Catalogne et Madrid.
Le Premier ministre espagnol et le président de la Catalogne Quim Torra, membre de l'aile dure du mouvement indépendantiste, se sont ainsi rencontrés lundi à Madrid.
Proche de Carles Puigdemont, M. Torra est toutefois resté inflexible sur la question de l'indépendance alors que le gouvernement de M. Sanchez a lui rejeté toute idée de référendum d'autodétermination.
Avec AFP