Il y a deux mois, le sang coulait encore dans les rues de Kinshasa pendant la répression de marches des catholiques interdites par le pouvoir: ce mardi, l'Union démocratique pour le progrès social (UDPS) a pu réunir quelques milliers de personnes dans la capitale autour de son président-candidat, avec une présence policière discrète.
Le meeting a été autorisé lundi par le gouverneur de Kinshasa, qui avait systématiquement interdit les rassemblements de l'opposition, ainsi que les trois marches d'un collectif proche de l'église les 31 décembre, 21 janvier et 25 février.
"Cette autorisation n'est pas un cadeau, c'est une conséquence de notre lutte", a lancé d'entrée Félix Tshisekedi, investi il y a un mois pour défendre les couleurs du parti d'opposition fondé par son père Étienne Tshisekedi décédé le 1er février 2017 à Bruxelles où sa dépouille se trouve toujours.
>> Lire aussi : "Trêve politique" conclue en préparation du rapatriement de la dépouille d’Etienne Tshisekedi en RDC
L'opposition congolaise a pu tenir mardi à Kinshasa son premier meeting autorisé par le pouvoir
"Nous félicitons la retenue de la police. Il faudra qu'ils apprennent à nous regarder comme leurs concitoyens et non comme leurs adversaires", a poursuivi M. Tshisekedi, au cours de cette réunion marquant le 28e anniversaire des débuts du multipartisme dans l'ex-Zaïre.
Arrivé escorté par des motards, Tshisekedi-fils a confirmé qu'il négociait de nouveau avec le pouvoir l'organisation des obsèques de son père, mais pas une place de Premier ministre comme le répète une rumeur insistante.
"A part la discussion des obsèques, il n'y pas d'autres discussions", a-t-il assuré. "Vous m'avez choisi pour être candidat à la présidentielle, pourquoi voulez-vous me ramener à la primature?".
M. Tshisekedi a demandé le retour en RDC des opposants en exil, à commencer par Moïse Katumbi, également candidat mais qui risque la prison s'il revient au pays.
>> Lire aussi : Détente en RDC, l'opposition autorisée à célébrer les 28 ans du multipartisme
Dans son discours, le président-candidat de l'UDPS s'est de nouveau opposé à l'utilisation des "machines à voter" pour les scrutins prévus le 23 décembre 2018, qui doivent tourner la page du président Kabila, dont le deuxième et dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016.
'Comprenez mon émotion'
"S'ils veulent que nous nous mettions d'accord, qu'ils suppriment la machine à voter", a-t-il lancé.
Ce 24 avril marque-t-il un répit ou un tournant? Le pouvoir interdisait toute manifestation depuis la répression des manifestations de septembre 2016 organisées à l'appel de l'ex-leader de l'UDPS et père de l'actuel, Étienne Tshisekedi.
En septembre 2016, des dizaines de personnes avaient été tuées à Kinshasa -certaines à proximité du siège de l'UDPS- en appelant le président Kabila à quitter le pouvoir comme prévu à la fin de son deuxième et dernier mandat en décembre 2016.
>> Lire aussi : L’opposition exige l’audit du fichier électoral en RDC
Immense pays au coeur de l'Afrique, la RDC n'a jamais connu de transition pacifique du pouvoir et accueille la mission onusienne la plus importante au monde.
En RDC, le 24 avril est une date historique. En 1990, l'ancien président Mobutu prononçait ce jour-là un discours historique qui marquait la fin du parti-État. Ce revirement politique permettait la création de plusieurs partis politique.
Ce jour-là, l'homme à la toque de léopard annonce qu'il quitte la présidence du parti unique MPR, en marquant un temps d'arrêt dans son discours comme s'il avait la gorge nouée, avant de lancer cette phrase devenu légendaire sur les bords du fleuve Congo: "Comprenez mon émotion".
Sept ans plus tard, Mobutu sera renversé par le père de l'actuel président, Laurent-Désiré Kabila, soutenu par le nouveau pouvoir tutsi du Rwanda qui voulait en finir avec les milices Hutus réfugiées dans l'est de l'ex-Zaïre, et lâché par ses anciens alliés occidentaux.
>> Lire aussi : Katumbi sera jugé fin juin pour recrutement de mercenaires en RDC
Vingt-huit ans après, "il n'y a pas grand-chose qui a changé", lance avec amertume le professeur Kabuya Lumuna Sando, ancien directeur de cabinet adjoint et porte-parole entre 1992 et 1997 de Mobutu Sese Seko.
"Il y a des similitudes dans les débats, les comportements et les positionnements de l'homme politique congolais", affirme-t-il.
Il prend pour exemple précis l'actuel débat autour du "seuil de représentativité" prévu dans la loi électorale qui tente d'éliminer les petits partis aux élections législatives (Ils doivent atteindre au moins "3 % du nombre total de suffrages valablement exprimés" au niveau national pour espérer remporter des sièges à l'assemblée nationale).
Avec AFP