Les grand-messes politiques américaines ont toujours été le lieu idéal pour vanter ses propres mérites, raconter sa version du "rêve américain" et poser des jalons pour de lointains rendez-vous électoraux.
Mais elles se veulent aussi un concert sans fausses notes pour le candidat qui vise la Maison Blanche à court terme.
Celle de Cleveland 2016 a un parfum particulier.
Certains ne cachent pas leurs réserves : "Comme républicain, il est tragiquement imparfait, et il est incapable d'être président", déplorait sans détour Regina Thomson, déléguée du Colorado, au premier jour de la convention, en parlant de Donald Trump.
Au sein des cadres et des élus du parti, le candidat Trump, qui a tout écrasé sur son passage lors des primaires, interpelle, dérange, divise. Ses prises de position abruptes, son style agressif, parfois vulgaire, fait aussi redouter une perte de la majorité au Sénat, voire à la Chambre.
Si Hillary Clinton l'emporte au soir du 8 novembre et offre aux démocrates un troisième mandat consécutif à la Maison Blanche - du jamais vu depuis la Seconde guerre mondiale - le Grand Old Party sera un champ de ruines.
En cas de défaite, tous ceux qui comptent au sein du parti veulent être bien positionnés à l'heure de la reconstruction.
"La plupart des dirigeants du parti pensent que Trump va perdre", souligne Larry Sabato, politologue de l'université de Virginie.
"Nombre d'entre eux ne sont pas pour Trump, jugent qu'il est source de problèmes pour le parti. Ils ne lui doivent rien, ils sont nombreux à ne l'avoir même jamais rencontré".
- 'Et si nous rassemblions ce parti ?' -
Cette situation singulière pousse les ténors républicains à une étrange danse, à l'image de celle que pratique depuis plusieurs mois Paul Ryan, l'une des plus influents personnages de Washington.
Colistier de Mitt Romney, candidat malheureux en 2012 face à Barack Obama, il est devenu à l'automne président de la Chambre des représentants. S'il a fini par adouber M. Trump du bout des lèvres, il peine à dissimuler ses ambitions présidentielles à moyen terme.
Mardi à Cleveland, quelques heures seulement après le sacre officiel de M. Trump, il a offert comme à dessein un contraste saisissant avec "The Donald".
Style posé, ton pédagogique, voix calme, il a disserté sur les idéaux du parti "venus tout droit de la Déclaration d'indépendance".
S'il a cité en passant le nom du candidat, il s'est d'abord posé en figure rassurante : "Et si nous rassemblions ce parti ?".
"Gagnons cette affaire", a-t-il conclu d'une formule alambiquée lui permettant d'éviter un appel direct et simple à voter pour M. Trump.
D'autres, à Cleveland, ont les yeux rivés bien au-delà de 2016.
C'est le cas du sénateur de l'Arkansas Tom Cotton, 39 ans, étoile montante du parti, qui lors de son discours lundi, n'a prononcé le nom du candidat qu'une seule fois.
"Nous voulons un commandant en chef qui parle de gagner des guerres, pas seulement d'y mettre fin", a lancé le jeune élu, ancien combattant d'Irak et d'Afghanistan infatigable pourfendeur de Barack Obama.
Le sénateur Marco Rubio, ancienne star qui a chuté sans gloire lors des primaires mais espère rebondir, a multiplié les déclarations contradictoires sur celui qui l'avait surnommé "Petit Marco".
Le discours du sénateur ultra-conservateur Ted Cruz, champion de la droite religieuse qui devrait tenter une nouvelle fois sa chance pour la Maison Blanche, est attendue mercredi.
Détail révélateur : Mike Lee, sénateur de l'Utah dont il est très proche, faisait partie du groupe de délégués anti-Trump qui criaient à plein poumons lundi dans l'enceinte de la convention pour contester l'adoption d'une motion sans vote.
Si M. Trump est défait et - comme il l'a laissé entendre - s'éloigne de la politique, qui se battra donc lors des prochaines primaires, dans quatre ans ?
Ryan, Cruz, Rubio, Cotton, "mais peut-être des tas d'autres aussi", souligne Larry Sabato.
"On pourrait se retrouver une nouvelle fois avec 17 candidats sur la ligne de départ".
Avec AFP