Sa disparition mystérieuse fait craindre de nouvelles flambées de violences dans le sud-est du pays, 50 ans après la terrible guerre civile qui avait suivi la déclaration d'indépendance du Biafra en 1967.
Libéré sous caution en avril après un an et demi de détention, le chef du Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (IPOB) est censé comparaitre ces prochains jours devant les juges d'Abuja pour trahison et atteinte à la sécurité de l'Etat. Mais, en l'absence de l'accusé, personne ne sait si le procès pourra avoir lieu.
A Umuahia, ex-capitale de l'éphémère république biafraise où Kanu a passé son enfance, les vitres de la bâtisse familiale ont été soufflées. Les murs ocres et les voitures garées devant le bâtiment sont criblés d'impacts de balle, a constaté un correspondant de l'AFP.
Prince Emmanuel Kanu, le frère cadet de Nnamdi Kanu, affirme qu'il était présent lorsque les soldats ont "attaqué" la maison le 14 septembre et ont "tué 28 personnes". Un bilan démenti par l'armée, et qui n'a pu être confirmé de source indépendante.
"Ils étaient très nombreux, ils ont commencé à tirer des rafales", a-t-il assuré à l'AFP par téléphone. "Les gens couraient pour sauver leurs vies".
Prince Kanu assure que son frère est détenu au secret par les militaires mais le gouvernement a balayé ces accusations, assurant qu'il "se cache" quelque part.
L'IPOB a été déclarée "organisation terroriste" mi-septembre après de violents affrontements entre forces de l'ordre et indépendantistes, accusés d'avoir attaqué des postes de contrôles militaires à Umuahia, Aba (Etat d'Abia) et dans la ville pétrolière de Port Harcourt (Etat de Rivers).
Ces violences, accompagnées d'un couvre-feu ont eu lieu au moment où l'armée déployait massivement des troupes dans la région, officiellement dans le cadre de l'opération Python Dance, destinée à lutter contre la criminalité. L'IPOB dénonce toutefois une répression sanglante ciblée et maintient que ses militants n'étaient pas armés.
Deux poids, deux mesures
Défenseurs des droits de l'homme et analystes estiment que la réponse militarisée des autorités exacerbe les tensions dans une région où les infrastructures (routes, hôpitaux...) sont délabrées et où une grande partie de la population vit dans une pauvreté extrême.
Le sentiment d'exclusion reste fort chez les Igbos majoritaires dans le sud-est, un demi-siècle après le déclenchement de la guerre civile (1967-1970) qui a fait plus d'un million de morts, principalement de maladies et de famine.
Le charismatique Kanu a su capitaliser sur ces frustrations depuis la fondation de l'IPOB en 2013, notamment durant ses 18 mois de détention. Depuis sa libération sous caution, il n'avait cessé d'haranguer les foules, jusqu'à sa disparition.
Nnamdi Kanu réclame un référendum d'autodétermination pour le Biafra et a appelé ses partisans à boycotter "toutes les élections" à venir.
Don Okereke, consultant en sécurité basé à Lagos, estime que l'armée outrepasse son mandat en menant des opérations de maintien de l'ordre normalement dévolues à la police et fait l'objet d'un "fort sentiment de défiance" parmi les Igbos du sud-est.
Le gouvernement d'Abuja donne l'impression d'appliquer une politique de "deux poids, deux mesures" avec le Biafra, alors même qu'il accepte de négocier avec les jihadistes de Boko Haram et les groupes armés du delta du Niger, poursuit Don Okereke.
Une stratégie risquée selon le spécialiste: "Si quoi que ce soit arrive à Nnamdi Kanu, les réactions risquent d'être très violentes dans le sud-est".
Pour l'heure, d'innombrables rumeurs circulent sur l'endroit où il se trouve. Un ancien gouverneur de l'Etat d'Abia a affirmé que Kanu, qui possède la double nationalité, a fui en Angleterre mais l'ambassade britannique a réfuté ces allégations.
Son avocat, Ifeanyi Ejiofor, affirme que "seule l'armée peut nous dire où il est. Soit ils l'ont arrêté soit ils l'ont tué", assène-t-il. "S'il est vivant, ils devraient le présenter devant le tribunal mardi".
Contacté par l'AFP, le porte-parole du ministre de la Justice, Salihu Othman Isah, estime que la tenue du procès dépendra de la présence ou non de l'accusé devant les juges. "Je ne peux pas vous dire précisément ce qui va se passer" si Kanu est aux abonnés absents, a-t-il répondu.
Avec AFP