A cette réunion à Abuja, le nouveau président du Nigeria, Muhammadu Buhari, avait revendiqué pour son pays le commandement de cette force pour toute la durée de "l'effort de guerre", au nom de l'efficacité, refusant l'idée d'un commandement tournant tous les six mois entre les cinq pays contributeurs de troupes.
M. Buhari, 72 ans, s'est donné pour priorité de venir à bout de Boko Haram mais, depuis son investiture le 29 mai, un regain de violences islamistes s'est soldé par la mort de plus de 150 personnes.
La gravité du défi islamiste a été rappelée par de nouveaux raids: 43 personnes ont péri mardi dans des attaques contre trois villages de l'Etat de Borno, dans le nord-est du Nigeria, épicentre des violences.
Le communiqué final du sommet organisé dans la capitale fédérale nigériane exauce les voeux du chef de l'Etat nigérian, qui avait demandé qu'un Nigérian dirige les opérations "jusqu'à la fin de la mission" à la tête de cette force qui doit compter 8.700 militaires, policiers et civils.
Le Cameroun prendra le poste de numéro 2 pour une durée initiale de 12 mois, et un Tchadien sera nommé chef d'état-major, également pour un an.
Les "contingents nationaux" de la Force d'intervention conjointe multinationale (MNJTF) du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin sont censés être déployés d'ici au 30 juillet.
La MNJTF remplacera la coalition formée par le Nigeria, le Tchad, le Niger et le Cameroun qui a remporté une série de succès contre Boko Haram depuis février.
Pour les pays de la région, la future force doit permettre de gagner en efficacité et d'écraser l'insurrection, qui a fait plus de 15.000 morts depuis 2009 et est désormais affiliée au groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Il était déjà entendu qu'elle serait commandée à son lancement par un général nigérian, Tukur Buratai.
N'Djamena, la capitale tchadienne, abritera le quartier général, d'un coût de quelque 30 millions de dollars (27 millions d'euros) pour les 12 prochains mois.
Antoine Glaser, journaliste, écrivain spécialiste des questions africaines a fait une analyse de cette question à VOA Afrique.
Devant les présidents du Tchad, du Niger et du Bénin et le ministre camerounais de la Défense, M. Buhari a appelé à concevoir la lutte contre les insurgés de Boko Haram comme faisant partie de "la guerre globale contre la terreur".
"Le terrorisme n'a pas de frontières et ils doivent, en raison des conséquences considérables pour la paix et la sécurité dans la région et dans le monde, être vaincus", a-t-il alerté.
Besoin de coordination
L'un des défis de la force régionale sera de parvenir à une coopération plus efficace entre les alliés.
Le Tchad et le Niger s'étaient plaints d'un manque de coordination avec l'armée nigériane, et d'avoir été empêchés d'agir en profondeur sur le territoire de leur grand voisin.
Question dépassée, a suggéré le chef de l'Etat nigérian devant des journalistes: "tous nos voisins, en particulier le Tchad et le Niger, sont entrés sur le territoire nigérian pour chasser Boko Haram".
Sitôt investi, ce général à la retraite a ordonné le transfert du centre de commandement militaire nigérian d'Abuja à Maiduguri, la grande ville du nord-est du pays.
Il a visité ses alliés au Tchad et au Niger. Puis il s'est rendu au G7 en Allemagne pour demander plus de soutien.
Cet activisme contraste avec les années d'inaction sous son prédécesseur Goodluck Jonathan.
La force régionale aurait dû déjà être opérationnelle en novembre dernier, mais les mésententes entre le Nigeria anglophone et ses voisins francophones ont retardé sa mise en place.
La force a été relancée en janvier alors que Boko Haram menait des attaques quotidiennes dans le nord-est du Nigeria et contre les territoires frontaliers du Cameroun, du Niger et du Tchad.
Devant cette escalade, les pays de la région, Tchad en tête, sont intervenus militairement à partir de février.
Le Nigeria a promis 100 millions de dollars pour le "décollage" de la force, a indiqué M. Buhari. Mais il a averti que le financement à long terme restait une "question majeure".
Les pays concernés ont appelé l'Union africaine à soutenir financièrement la force et interpellé le Conseil de sécurité de l'ONU. Ils ont enfin décidé de solliciter le soutien de leurs "partenaires stratégiques", notamment les Etats-Unis, l'Union européenne, la France et le Royaume-Uni.
Source: AFP