Jammeh a été porté à la tête de la Gambie en 1994 par un putsch sans effusion de sang qui a renversé Dawda Jawara, dirigeant depuis l'indépendance de cette ex-colonie britannique enclavée dans le Sénégal à l'exception de sa façade atlantique.
Issu d'une famille paysanne du village de Kanilai (ouest), il est alors lieutenant et âgé de 29 ans. Depuis, ce militaire de carrière au physique de lutteur, marié et père de deux enfants, a troqué l'uniforme contre de luxueux boubous.
Outre ce changement vestimentaire, il a ajouté à son nom de naissance une série de titres honorifiques. Il se fait appeler "Son Excellence Cheikh Professeur El Hadj Docteur", ainsi que, depuis quelques années, "Babili Mansa", ayant le double sens de "bâtisseur de ponts" et "roi défiant les fleuves" en mandingue, une des langues parlées en Afrique de l'Ouest.
Après des études secondaires à Banjul, la capitale, il s'engage en 1984 dans la gendarmerie. Jusqu'en 1992, il commande la police militaire à deux reprises.
En 1996, il prend sa retraite de l'armée avec le grade de colonel, crée son parti et se présente à sa première présidentielle, qu'il remporte. Il a été constamment réélu depuis.
Yahya Jammeh se dit investi de pouvoirs mystiques et, selon sa biographie officielle, il a comme "disposition particulière" d'avoir "une vaste connaissance dans la médecine traditionnelle, surtout dans le traitement de l'asthme et de l'épilepsie".
Il assure pouvoir "guérir" la stérilité et le sida avec des plantes et des incantations mystiques donnant lieu à des séances collectives filmées et diffusées par les médias publics, au grand dam des acteurs de la lutte contre le VIH.
Changements déroutants
Il cultive aussi l'image d'un musulman pieux, apparaissant régulièrement Coran et chapelet en main.
En décembre 2015, à la surprise générale, il proclame la Gambie république islamique, sans conséquence immédiate sur la vie quotidienne des quelque 2 millions d'habitants, dont environ 90% de musulmans et près de 8% de chrétiens.
"Nous serons un Etat islamique qui respecte les droits des citoyens", avait-il dit, assurant que "la pratique religieuse des chrétiens serait respectée".
Yahya Jammeh s'illustre aussi régulièrement par des déclarations fracassantes, notamment contre l'homosexualité, les puissances occidentales, la Cour pénale internationale (CPI) dont il a retiré la Gambie en octobre, bien que la procureure soit son ancienne ministre de la Justice.
Sa présidence est marquée par une répression - parfois sanglante - de contestations par des civils ou des militaires.
Il lui arrive ainsi fréquemment de proférer des menaces de mort contre ceux qu'il considère comme des fauteurs de troubles, pour adopter en d'autres circonstances un ton parfaitement posé.
"Faisons campagne pacifiquement, votons pacifiquement, puis célébrons notre victoire", a-t-il dit le 16 novembre au lancement de la campagne. "Tout le monde peut voter pour le candidat de son choix. Personne ne doit être forcé à voter pour moi", a affirmé Yahya Jammeh.
Il affronte jeudi aux urnes l'homme d'affaires Adama Barrow, candidat d'une large coalition de l'opposition, et un ancien cadre de son parti, Mama Kandeh, dont aucun ne fait le poids à ses yeux.
"Ils ne gagneront pas", a déclaré mardi soir Yahya Jammeh lors de son dernier meeting, prévenant qu'il ne tolérerait aucune contestation électorale par des manifestations, qualifiées de "failles exploitées pour déstabiliser les pays africains", mais exclusivement devant les tribunaux.
Son régime est accusé par des organisations non gouvernementales et certaines chancelleries de disparitions forcées et de harcèlement de la presse et des défenseurs des droits de l'Homme, critiques qu'il balaye systématiquement.
"Peu importe ce que les gens disent de moi, je n'en suis pas touché", a-t-il déclaré en déposant sa candidature il y a deux semaines. "C'est entre moi et Dieu".
Son discours trouve écho auprès de nombreux Gambiens, qui louent son bilan notamment au plan des infrastructures. Durant sa présidence, plusieurs projets ont été réalisés avec des partenaires internationaux: aéroport, routes, université, hôpitaux, écoles...
Ses sympathisants le créditent aussi de la relative stabilité du pays, dont les plages de sable fin attirent chaque année quelque 50.000 touristes, essentiellement britanniques.
Avec AFP