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Le président turc Erdogan chez le pape


Le pape François et Recep Tayyip Erdogan, Ankara, Turquie, le 28 novembre 2014.
Le pape François et Recep Tayyip Erdogan, Ankara, Turquie, le 28 novembre 2014.

Le pape reçoit lundi Recep Tayyip Erdogan, première visite d'un président turc depuis 59 ans, programmée en pleins bombardements meurtriers en Syrie contre des Kurdes par le régime d'Ankara.

Une vaste zone du centre de Rome a été déclarée interdite aux manifestants pendant vingt-quatre heures, de l'arrivée dimanche soir du président Erdogan jusqu'à son départ lundi soir. Quelque 3.500 policiers ont été déployés.

Un sit-in de protestation avec 200 personnes à l'initiative d'une association italienne de Kurdes est néanmoins prévu lundi en fin de matinée non loin du Vatican, dans les jardins de Castel Sant'Angelo. "A Afrine, un nouveau crime contre l'Humanité est en cours", dénonce l'association.

Le pape argentin, qui n'a de cesse de marteler son horreur des guerres et des armes de destruction, ne manquera pas d'aborder l'offensive menée depuis le 20 janvier en Syrie contre la région d'Afrine, lors de la rencontre prévue à 9h30 (8h30 GMT) avec Erdogan.

Ces attaques visent officiellement à chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), une organisation classée "terroriste" par Ankara mais alliée de Washington dans la lutte contre l'EI.

Les forces kurdes ont dénoncé notamment des supplices infligés à une jeune combattante kurde tuée, au corps atrocement mutilé.

M. Erdogan préférera sans aucun doute remercier le pape pour avoir contesté la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. "Nous sommes tous les deux pour la défense du statu quo et nous avons la volonté de le protéger", a commenté le dirigeant turc dans un entretien publié dimanche dans le journal La Stampa. Il y défend, comme François, "la solution de deux Etats".

Le pape argentin, défenseur du dialogue interreligieux, avait effectué un voyage peu chaleureux en Turquie en novembre 2014. M. Erdogan, un pieux musulman, en avait profité pour s'arc-bouter sur la dénonciation de l'"islamophobie" et invoquer une responsabilité de l'Occident dans la montée du fondamentalisme islamique.

Il avait alors dévoilé à François, chantre de la simplicité qui vit dans un deux pièces de 50 m2, son fastueux palais présidentiel d'un millier de pièces et 200.000 m2, soit un peu moins de la moitié de la superficie du Vatican.

Erdogan devrait éviter la presse

En juin 2016, lors d'un voyage en Arménie, le pape avait utilisé le mot "génocide" arménien, provoquant le courroux d'Ankara qui avait fustigé alors "une mentalité de croisade".

Le président turc s'entretiendra aussi lundi avec le président italien Sergio Mattarella et le Premier ministre Gentiloni, occasion de parler d'immigration clandestine, d'industrie de la défense ou d'adhésion à l'UE.

Dimanche, il avait rejeté dans les colonnes de La Stampa toute option autre qu'une "adhésion" de la Turquie à l'UE, balayant la proposition française d'un simple "partenariat".

"Nous désirons une pleine adhésion à l'Europe", a martelé M. Erdogan, en rappelant le rôle clef joué par la Turquie sur la question des flux migratoires arrivant du Moyen-Orient vers l'Europe.

M. Erdogan n'exclut pas une action conjointe italo-turque en Libye, actuellement étudiée au sein d'un groupe de travail.

Aucune rencontre avec la presse n'a été annoncée lundi. Erdogan avait été vivement critiqué début janvier à Paris pour s'en être pris à un journaliste français l'interrogeant sur la livraison supposée d'armes par Ankara au groupe Etat islamique en 2014.

La Turquie occupe la 155e place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par l'ONG Reporters sans frontières (RSF).

La visite de M. Erdogan à Paris avait été la plus importante dans un pays de l'UE depuis le putsch manqué de 2016 et la répression qui l'a suivi. Plus de 140.000 personnes ont été limogées ou suspendues et plus de 55.000 ont été arrêtées, dont des universitaires, des journalistes et des militants pro-kurdes, accusés de propagande "terroriste" ou de collusion avec les réseaux du prédicateur Fethullah Gülen.

Recep Tayyip Erdogan doit enfin rencontrer lundi des patrons de grandes compagnies italiennes, contacts qu'il espère "profitables".

Paris et Ankara, tous deux membres de l'Otan, avaient signé en janvier un contrat d'étude dans la défense aérienne et antimissile impliquant le consortium franco-italien Eurosam.

Avec AFP

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