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Le public invité à visiter un ancien lieu de torture en Ethiopie


Récemment libéré de prison, Keyfalew Tefera, âgé de 33 ans, dit avoir été torturé à Addis-Abeba en Éthiopie, le 17 juillet 2018.
Récemment libéré de prison, Keyfalew Tefera, âgé de 33 ans, dit avoir été torturé à Addis-Abeba en Éthiopie, le 17 juillet 2018.

Le gouvernement éthiopien a invité vendredi le public à visiter l'ancien centre de détention tristement célèbre de Maekelawi, à Addis Abeba, où pendant des décennies des prisonniers politiques ont été torturés.

L'ouverture au public de Maekelawi, définitivement fermée il y a un an, répond "à la promesse de ne jamais répéter les traitements ou châtiments cruels, inhumains et dégradants" infligés par le passé aux prisonniers, a indiqué dans un communiqué la police fédérale.

Le Premier ministre, Abiy Ahmed, s'était attiré des louanges pour avoir libéré les prisonniers politiques dès sa prise de fonction en avril 2018. Le même mois, Maekelawi, qui était en service déjà sous le brutal régime militaro-marxiste du Derg dans les années 70 et 80, avait été fermée.

Mais des défenseurs des droits de l'Homme estiment que le gouvernement a rompu avec sa posture initiale et adopté récemment les mêmes mesures répressives que ses prédécesseurs, surtout depuis la tentative de coup d'État contre le gouvernement de la région amhara en juin, qui a coûté la vie à cinq hauts responsables, dont le chef d'état-major de l'armée éthiopienne.

Vendredi, des dizaines d'Éthiopiens ont marché aux côtés de l'Attorney general (conseiller juridique du gouvernement), Berhanu Tsegaye, et du chef de la Cour suprême, Meaza Ashenafi, dans la prison, rafraîchie pour l'occasion.

Les murs des salles de torture avaient reçu un coup de peinture jaune, et des tableaux illustrant l'histoire éthiopienne ornaient une section sombre et à l'aspect menaçant, appelée par les prisonniers "Sibérie".

Parmi les visiteurs se trouvait Zelalem Workagegnehu, un ancien blogueur devenu opposant qui a passé quatre mois dans "Sibérie" en 2014, après avoir été accusé d'avoir fourni des informations à une organisation terroriste.

Il a reconnu s'être senti "nerveux" à l'idée de remettre les pieds à Maekelawi, mais sa peur s'est vite dissipée. Il a même pris le temps d'enlacer un garde de la prison qu'il avait croisé quand il était emprisonné.

"Jamais je n'aurais pensé que ça arriverait un jour dans ma vie", dit-il. "Mais maintenant, comme vous voyez, je suis relax et je profite du moment."

Après avoir montré à l'AFP la pièce étroite dans laquelle il avait passé 41 jours à l'isolement, il a confié simplement regretter que tout n'ait pas été préservé dans son état original.

"L'une des plus grosses erreurs, c'est qu'ils ont peint l'intérieur des pièces. La plupart d'entre nous, nous avons écrit notre histoire, nos prières, nos tortures ici dans ce bâtiment", dit-il. "Les gens ont besoin de lire ça, de savoir ce qui s'est passé ici."

Les autorités éthiopiennes ont l'intention de faire de Maekelawi un musée.

Pour Daniel Bekele, un ancien prisonnier politique récemment nommé chef de la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, la disparition de Maekelawi constitue un "tournant majeur".

Mais il s'inquiète des récentes procédures judiciaires intentées contre des journalistes et des critiques, dont certains ont été inculpés au titre d'une loi antiterroriste controversée, y voyant le "rappel troublant d'un sombre passé".

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