L'opération de l'armée s'est faite sans violence pour mettre fin à ce dernier épisode en date des troubles qui ont agité l'archipel des Comores à de nombreuses reprises dans le passé, et qui se solde par la mort de trois personnes. Mais les rebelles ont réussi à s'échapper et leurs armes n'ont pas été retrouvées.
Accusé d’avoir armé les rebelles, le gouverneur d'Anjouan Abdou Salami Abdou était détenu dimanche par la gendarmerie comorienne.
"Il a négocié sa reddition, et se trouve en ce moment entre les mains de la gendarmerie", a indiqué à l’AFP le ministre de l'Education nationale Mahamoud Salim Hafi, originaire d'Anjouan, qui représente le gouvernement depuis le début de la crise.
Joint au téléphone par l’AFP quelques heures avant sa détention, le gouverneur a nié avoir "un quelconque lien avec les rebelles. Je ne les ai jamais connus, je n’ai jamais armé ces gens-là. C’est un montage".
"Je défie quiconque d’apporter la preuve de mon implication dans cette rébellion. Nous avions organisé une manifestation pacifique, et des éléments armés s’y sont infiltrés", assure-t-il, précisant qu'il s'est ensuite caché "pour ne pas prendre une balle perdue".
Membre du parti Juwa de l’ex-président Ahmed Abdallah Sambi, actuellement incarcéré pour corruption et détournement de biens publics, Abdou Salami s’était farouchement opposé au référendum constitutionnel du 30 juillet du président Azali Assoumani, le jugeant illégal et anticonstitutionnel.
L’armé poursuivait dimanche son opération de ratissage pour s’assurer que la vieille ville était suffisamment sécurisée, procédant à la fouille de certains domiciles. La population a été priée de rester à la maison.
Place Moroni, dans le centre historique, les militaires déconseillaient, "pour des raisons de sécurité", de trop s’aventurer à l’intérieur de la médina. "On ne sait jamais, tant qu’on ne sera pas sûr à 100% qu’il n’y a pas un risque des rebelles", expliquaient un gradé.
Les véhicules restaient rares et seules de frêles silhouettes traversaient les rues. Boulevard Mohamed Ahmed, dans la vieille ville qui a souffert de coupures de courant et d'eau lors des affrontements, des visages apparaissaient aux balcons pour demander aux rares passants "quelques nouvelles de la situation".
Propriétaire d’une supérette, Mohamed Adinane est venu vérifier l’état de son magasin. "J’ai trouvé des produits périmés à cause de la coupure d’électricité", dit-il, estimant à "plusieurs millions" le manque à gagner des derniers jours.
L'intervention de l'armée pour reprendre le contrôle du centre de Mutsamudu n’a pas provoqué de liesse particulière et n'a pas rassuré tout le monde dans cette ville où l'opposition au président de l'archipel, M. Assoumani, un ancien militaire putschiste, est majoritaire.
"Roulé dans la farine"
"Où sont les rebelles, où sont les armes… Comment ces enfants ont-ils pu aussi facilement s’évaporer dans la nature avec armes et bagages, alors que la médina était complétement fermée" par le siège de l'armée, se demande un sexagénaire sur le pas de sa porte.
"Le gouvernement a été roulé dans la farine", conclut-il.
Des photos de présumés rebelles sont entre les mains de l’armée. D’autres, montrant des canettes vides dans une mosquée, accréditent l’hypothèse d’une présence dans l'édifice religieux.
Les rebelles ont apparemment réussi à fuir pendant les négociations entamées vendredi entre des médiateurs locaux et un représentant du gouvernement de Moroni.
Les troubles avaient commencé lundi après une manifestation d'opposants qui avaient érigé des barricades démantelées ensuite par les forces de l'ordre.
Les autorités accusent le parti Juwa, de l'opposant et ancien président de l'archipel Abdallah Sambi, originaire d'Anjouan, d'être à l'origine des violences.
Les opposants accusent en retour le président Assoumani de se comporter en dictateur "de république bananière" et de vouloir se maintenir au pouvoir.
Avant un changement de la Constitution adopté par référendum en juillet, la prochaine présidence de l'archipel devait revenir à un représentant d'Anjouan, conformément à un système de rotation entre les trois principales iles des Comores (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli).
Mais fort de ses nouveaux pouvoirs renforcés le président Assoumani, ex-putschiste élu en 2016, a annoncé son intention d'organiser un scrutin présidentiel anticipé l'an prochain, ce qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l'archipel, en cas de victoire, jusqu'en 2029.
Depuis leur indépendance de la France en 1975, les trois îles des Comores (Grande Comore, Anjouan et Mohéli) ont connu une vingtaine de coups ou tentatives de coups d'Etat. La quatrième île de l'archipel, Mayotte, est restée française.
Avec AFP