Après des mois d'escalade verbale entre Washington et Pyongyang, Pékin craint deux choses: un effondrement du régime, qui pourrait provoquer l'afflux de millions de réfugiés le long des 1.420 km de frontière commune, et les retombées d'un essai nucléaire nord-coréen.
A Dandong, ville frontalière où transite la majeure partie du commerce bilatéral, une banderole donne le ton, avec une directive semblant dater de la Guerre froide.
"Les citoyens ou organisations témoins d'actes d'espionnage doivent immédiatement en informer les organes nationaux de sécurité", proclament les idéogrammes tracés en blanc sur fond rouge.
A l'extérieur de la ville, des points de contrôles parsèment la route qui longe le fleuve Yalu marquant la frontière. Ils ont été installés en octobre, affirment des habitants à l'AFP.
"Avant, les Nord-Coréens venaient côté chinois pour pêcher. Maintenant, ils n'osent plus", déclare Zhang Fuquan, patron d'une pisciculture située au bord de l'eau. "Les soldats patrouillent et surveillent."
Les relations bilatérales se sont dégradées en 2017: la Chine, pourtant principal soutien économique et diplomatique de la Corée du Nord, a soutenu plusieurs séries de sanctions à l'ONU en réponse à ses essais nucléaires et à ses tirs de missiles.
- 'On les attrape' -
Des responsables américains ont même informé l'an passé leurs homologues chinois d'un plan d'intervention militaire en cas de chute du régime à Pyongyang, selon le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson.
"Les rapports entre la Chine et la Corée du Nord connaissent quelques accrocs", concède Yang Xiyu, ex-négociateur chinois du dossier nucléaire nord-coréen.
Au barrage hydroélectrique frontalier de Supung, qui fournit les deux pays en énergie, des caméras de surveillance scrutent les eaux.
"C'est surveillé très étroitement désormais", déclare Yin Guoxie, un retraité de 75 ans qui a travaillé toute sa vie sur l'ouvrage.
Selon lui, les Nord-Coréens ne sont pas autorisés à posséder des bateaux. Ils sont de ce fait moins nombreux à fuir en Chine.
"S'ils viennent, on les attrape et on les renvoie", explique M. Yin.
Plus au nord, à Longjing, des villages frontaliers ont créé des "unités de protection" face aux Nord-Coréens qui profitent l'hiver du gel de l'autre fleuve frontalier, le Tumen, pour venir côté chinois.
- Catastrophe nucléaire ? -
Une tactique payante: le nombre de transfuges nord-coréens qui ont réussi à passer en Corée du Sud, dont beaucoup via la Chine, a chuté à 100 par mois en 2017. C'est le chiffre le plus bas depuis 15 ans, selon le ministère sud-coréen de l'Unification.
Pékin s'inquiète aussi des risques de radioactivité: cinq des six essais nucléaires de Pyongyang ont été réalisés à seulement 80 km de la Chine, où les habitants des régions frontalières ont nettement ressenti les secousses.
Après le sixième essai, en septembre dernier, le ministère de l'Environnement a effectué des mesures, qui selon lui n'ont rien montré d'anormal.
Dans le village frontalier de Lagushao, l'AFP a constaté la présence d'une "station de surveillance des radiations".
"Si ces stations montrent une quelconque anomalie, les citoyens seront immédiatement alertés", assure Guo Qiuju, spécialiste des radiations à l'université de Pékin.
Et le risque est pris au sérieux: en décembre, un quotidien étatique d'une province frontalière avait publié une pleine page de consignes de prévention en cas de catastrophe nucléaire.
"Si vous êtes près d'une rivière, d'un lac ou d'un bassin, jetez-vous dedans pour vous protéger" des radiations, expliquait l'article. "Ensuite, rincez abondamment nombril, bouche et conduits auditifs".
Avec AFP