Sur le terrain, de nombreux villages au Cameroun, situées en périphérie urbaine ou proches des grands projets d'investissement sont de plus en plus sans terres.
La colère des populations rurales monte. Dans le village Meyo, où va passer l'autoroute qui desservira l'aéroport international de Yaoundé, les habitants sont mécontents.
"C'est mon défunt père qui a cédé ces parcelles gratuitement à l'Etat pour qu'on y bâtisse l'unique école publique et le centre de santé du village. Avec le passage de l'autoroute, l''Etat va tout détruire", lance avec mélancolie, sa majesté Belinga, chef de village de Meyo, la quarantaine révolue.
C'est mon défunt père qui a cédé ces parcelles gratuitement à l'Etat pour qu'on y bâtisse l'unique école publique et le centre de santé du village. Avec le passage de l'autoroute, l''Etat va tout détruire".Sa majesté Belinga, chef de village de Meyo
Sur le mur de l'école publique du village et du centre de santé, on peut lire des inscriptions qui annoncent une opération imminente de démolition des bâtiments.
Le jeune chef du village ne décolère pas à cet effet. La construction de l'autoroute qui passe par le village Meyo va ravager une bonne partie de ses terres.
L'un des sept échangeurs et certaines voies de contournement de l'autoroute traversent ce village situé en périphérie urbaine de Yaoundé. Le chef du village n'a pas été épargné par le tracé de l'autoroute sur ses propres terres.
"Ma chefferie sera bientôt détruite. Les experts sont passés ici pour m'en informer. Or, en Afrique, vous qu'une chefferie n'est pas seulement le bâtiment, c'est tout un patrimoine culturel. En détruisant une chefferie, on détruit le socle des pouvoirs ancestraux qui la soutienne", explique t-il, l'air désespéré.
A moins d'un kilomètre du village, on aperçoit des engin en train de dévaster la forêt sur le chantier de l'autoroute, en direction du village Meyo. Depuis lors, la vie a perdu son cours normal ici.
"La vie s'est arrêtée au village. On ne fait plus de champs, on enterre plus nos morts sur le tracé de l'autoroute, on ne peut plus construire. L'Etat a réquisitionné nos terres pour utilité publique depuis trois ans sans nous indemniser encore moins nous recaser. Nous sommes axphysiés. Comment n'y'aura t-il pas des problèmes fonciers au Cameroun ?", s'alarme le chef du village Meyo.
Dans deux semaines, l'équipe d'indemnisation des riverains de l'autoroute sera de passage au village Meyo, après trois ans d'attente.
Les populations pourront alors percevoir leurs dûs mais la valeur réelle des terres ne sera pas prise en compte car le barème de l'Etat s'impose.
"L' Etat impose son barème lors des indemnisations, mais votre terrain a un titre foncier. Face à la puissance publique, les populations sont obligées de brader leurs terres pour survivre. En réalité c'est une façon de les rendre esclaves sur leurs propres terres ", regrette sa Majesté Belinga.
Dans plusieurs localités du Cameroun, de nombreux conflits sont nés autour du droit foncier des autochtones et communautés locales.
"Global call action" est une campagne qui a été lancée pour sensibiliser sur les enjeux du droit foncier communautaire.
"Les personnes vivant dans les milieux ruraux estiment qu'ils sont envahis par la ville. On leur exige des titres fonciers sur les terres acquises de façon coutumière", explique Samuel Nguiffo, secrétaire Général du centre pour l'environnement et le développement, qui a présenté la campagne "Global call action", sous le thème "Atlas des colères et résistances communautaire en Afrique".
Au Cameroun, la plupart des experts en droit foncier entrevoient d'ici peu, une pénurie foncière dans la nouvelle ville portuaire de Kribi, avec en perspective, d'éventuels conflits entre les autochtones et les grands investisseurs.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé