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Les Oromos célèbrent Irreecha un an après un festival meurtrier en Ethiopie


Des manifestants scandent des slogans au cours d’Irreecha, le festival du people oromo, à Bishotu, région d’Oromia, Ethiopie, 2 octobre 2016.
Des manifestants scandent des slogans au cours d’Irreecha, le festival du people oromo, à Bishotu, région d’Oromia, Ethiopie, 2 octobre 2016.

En 2016, Firommisa Darasa a survécu de justesse au festival religieux Irreecha, en Ethiopie. Sur fond de protestation anti-gouvernementale, la police avait dispersé des manifestants à l'aide de gaz lacrymogène, provoquant un mouvement de foule dans lequel plus de 50 personnes ont péri.

Un an plus tard, cet homme de 28 ans est de retour à Bishoftu, à 50 km au sud-est d'Addis Abeba. La peur au ventre mais déterminé à célébrer dimanche la fin de la saison des pluies avec des dizaines de milliers d'autres membres de l'ethnie oromo: "C'est notre célébration ancestrale et il faut la perpétuer".

Au-delà des prières pour l'abondance et la prospérité, Irreecha a pris une dimension de plus en plus politique ces dernières années. Et le 2 octobre 2016, il a été un tournant crucial dans les manifestations anti-gouvernementales les plus importantes depuis 25 ans, dont les régions Oromo (sud et ouest) et Amhara (nord) étaient le théâtre depuis des mois.

Ces protestations avaient débuté fin 2015 en région Oromo, où les manifestants se sont insurgés face à un nouveau projet d'appropriation de leurs terres pour étendre Addis Abeba, abandonné depuis. Ces tensions ont gagné en 2016 le festival Irreecha, où des protestataires avaient repris des slogans anti-gouvernement.

Face aux manifestants, la police a tiré des gaz lacrymogènes. Dans le mouvement de foule qui a suivi, de nombreuses personnes sont tombées les unes sur les autres dans un fossé. Le drame avait fait 55 morts selon les autorités, bien plus selon les opposants.

"Je ressens de la peur" en repensant au fossé dont il était parvenu à s'extirper in extremis, poursuit Firommisa Darasa.

Quelques jours après le festival de 2016, Addis Abeba avait instauré l'état d'urgence dans tout le pays pour mettre un terme aux manifestations, qui exprimaient avant tout une frustration face à ce qu'Oromos et Amharas perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein de la coalition régnant sans partage depuis 1991.

- Commémorer les morts -

Sur le site du festival, d'importants changements ont été effectués pour éviter un nouveau drame: un nouvel amphithéâtre en plein air a été construit et le fossé dans lequel des dizaines de personnes sont mortes en 2016 a été entouré de barrières.

Le gouvernement régional a également assuré qu'aucun policier armé ne serait déployé cette année, cette présence étant considérée comme ayant contribué au drame de 2016. "Cette année ce sera différent", veut croire Dachassa Gosa, 22 ans.

Le drame de 2016 avait exacerbé les tensions en régions Oromo et Amhara, menant notamment les protestataires à s'en prendre à des entreprises appartenant au gouvernement ou à des investisseurs étrangers.

Ces violences ont largement cessé avec l'instauration de l'état d'urgence, finalement levé en août, mais de nombreux Oromos estiment que leurs doléances n'ont pas été entendues, et des manifestations et grèves sporadiques ont encore lieu.

En tout, la répression des manifestations de 2015 et 2016 a fait plus de 940 morts, selon la Commission éthiopienne des droits de l'Homme, liée au gouvernement, et mené à quelque 22.000 arrestations.

En amont du festival 2017, l'ONG Human Rights Watch a appelé le gouvernement à enquêter "sur la réponse des forces de sécurité" et recommandé aux autorités d'"agir avec retenue". "Si on revit ce qui s'est passé à l'Irreecha l'année passée, on pourrait s'attendre à ce que ça mène à des troubles bien plus large", note Felix Horne, de HRW.

Mais à Bishoftu, Oftaha Oromoo dit s'attendre à une célébration contenue cette année. "Personnellement, je suis encore en colère, mais nous devons être patients et célébrer", dit-il, après avoir fait la route depuis Shewa Nord, une zone oromo située au nord-est d'Addis Abeba.

"Cette année, nous voulons commémorer ceux qui sont morts".

AVec AFP

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