Mardi matin, deux officiers se sont présentés au bureau du général Khoantle Motsomotso, au siège du commandement militaire à Maseru, et l'ont abattu. Eux-mêmes ont été tués lors de la fusillade qui a suivi avec les gardes du corps de leur victime.
Les motivations du général Bulane Sechele et du lieutenant-colonel Tefo Hashatsi restent mystérieuses, mais leur identité accrédite le scénario d'une vendetta entre militaires rivaux.
Une commission d'enquête de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) avait accusé les deux hommes d'avoir participé, il y a deux ans, au meurtre d'un précédent chef d'état-major, le général Maaparankoe Mahao.
L'organisation régionale avait recommandé de les traduire en justice. En vain. Leur hiérarchie comme le pouvoir de l'époque s'y étaient alors fermement opposés...
Le retour au pouvoir du Premier ministre, Thomas Thabane, après les élections législatives de juin a peut-être changé la donne, le chef de gouvernement s'étant engagé à engager des poursuites contre les militaires accusés de semer le trouble.
Avec l'assassinat mardi du chef de l'armée, revoilà le Lesotho plongé dans les turbulences du passé, pour la plus grande inquiétude de ses voisins.
"Il s'agit d'un sérieux revers à nos importants efforts pour restaurer la paix et la stabilité", a concédé M. Thabane.
Depuis son indépendance de la couronne britannique en 1966, l'histoire du petit royaume du Lesotho, noyé au coeur de la puissante Afrique du Sud, est secouée par les interventions à répétition de l'armée dans sa vie politique.
- 'Suspicions' -
Par deux fois, en 1986 et en 1991, l'armée a renversé le gouvernement. Il y a trois ans, une tentative de putsch dirigée par le chef d'état-major d'alors, le général Tlali Kamoli, a échoué mais malgré tout poussé à l'exil le Premier ministre Thabane.
Le Lesotho, qui compte un peu plus de 2 millions d'habitants, ne dispose d'une armée que depuis les années 1980. Elle fut alors créée pour combattre la guérilla du Parti du congrès Basutoland (BCP), alors la principale formation d'opposition.
Très vite, l'armée a pris une couleur politique marquée, souligne l'analyste Nthakeng Pheello Selinyane. A la fin des hostilités, "le BCP a nourri la suspicion en refusant de désarmer, démobiliser et réintégrer son aile militaire dans l'armée. Cette ambiguïté a été exploitée par le Parti national basotho (BNP, au pouvoir) pour étendre son emprise" sur l'armée.
"Cela a favorisé la criminalisation et la politisation des troupes et de leur hiérarchie", poursuit M. Selinyane.
Pendant tout le temps qu'il a tenu les rênes de l'armée, le puissant général Kamoli, contraint à la démission fin 2016, a ainsi fait ouvertement campagne contre M. Thabane.
Le porte-parole du Congrès pour la démocratie au Lesotho (LCD, opposition), Teboho Sekata, se souvient, lui, du chef d'une unité de la police qui, en 2015, avait publiquement refusé de reconnaître l'autorité du vice-Premier ministre.
"Tous les organes du gouvernement sont aujourd'hui politisés, particulièrement les services de police", constate-t-il.
- 'Etat de droit' -
Outre l'armée elle-même, Mafa Sejanamane, professeur à l'université nationale du Lesotho, en rend responsable la classe politique, coupable à ses yeux de faire cause commune avec des officiers pour défendre ses seuls intérêts privés.
"C'est un système où les hommes politiques complotent, assassinent et pillent les ressources publiques sans peur des conséquences à cause de leurs liens avec certains éléments des forces de sécurité", dénonce le politologue.
Malgré son rôle de réservoir d'eau de l'Afrique du Sud, le Lesotho est un des pays les plus pauvres de la planète. Le chômage et le sida y font des ravages.
"L'Etat de droit et la dépolitisation des services de l'Etat, dont les forces de sécurité, peuvent mettre un terme aux problèmes du Lesotho", veut encore croire M. Selinyane.
Très attentive à ses sursauts, la SADC a préconisé des réformes pour asseoir la stabilité du royaume et espérait que les élections de juin dernier y contribueraient largement.
Les événements de mardi ont rappelé ses dirigeants à la réalité.
"Faciliter la tenue des élections sans se préoccuper des problèmes concernant les forces de sécurité montrent que la SADC s'est trompée", conclut l'analyste politique Kopano Makoa.
Avec AFP