Liens d'accessibilité

Dernières nouvelles

Goma au défi des violents rapts d'enfants


Des habitants regardent le lac Kivu, à Goma, le 17 novembre 2016.
Des habitants regardent le lac Kivu, à Goma, le 17 novembre 2016.

Les Nations unies célèbrent ce lundi la journée de l'enfance, mais à Goma, en République démocratique du Congo, la population s'inquiète des récents enlèvements d'enfants contre des demande de rançon, avec des actes de torture, voire pire parfois.

Dans cette ville soumise à tous les maux, "Maman" Valérie sort d'un sac un short bleu et une chemise blanche d'écolier, l'uniforme des collégiens. La petite chemise est maculée de traces de sang séché vers le col.

C'est le vêtement que portait son fils Nathanaël, huit ans, quand il a été enlevé sur le chemin de l'école dans la capitale du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC. Les prénoms de cette femme et de son enfant ont été changés par souci de protection.

Les ravisseurs de l'enfant ont exigé une rançon à quatre chiffres en dollars. Somme impossible à payer pour sa mère célibataire, sans revenus.

Goma a déjà connu par le passé le contre-choc du génocide rwandais, l'éruption du volcan Nyiragongo en 2002, l'invasion du groupe armé M23 dix ans plus tard. Installée dans un site idéalement touristique entre lac et montagne, la ville affronte désormais un nouveau fléau: les rapts d'enfants contre demande de rançons, accompagnés d'actes de torture voire de meurtres.

"C'était un certain lundi". Juillet, août 2017? "Maman" Valérie ne se souvient plus trop bien, mais en revanche elle n'a rien oublié de ses angoisses durant les sept jours de captivité de son enfant.

Le mardi, elle a reçu l'appel d'un ravisseur: "Donne nous 5.000 dollars sinon tu vas retrouver le corps de ton fils devant la porte". Ces appels dureront pendant sept jours, les ravisseurs utilisant des numéros différents à chaque fois.

Le lendemain, elle reçoit l'appel de son fils: "Maman, on me tue", hurle le petit au téléphone alors que la mère vient d'envoyer 20 dollars par Airtel money, un système de transfert d'argent par téléphonie mobile très utilisé en Afrique.

Traces de torture

L'enfant sera finalement libéré le dimanche, avec le lobe de l'oreille tranché en deux et des traces de coups de couteau sur les bras, affirme sa mère.

Nathanaël lui a raconté qu'un autre enfant a été tué devant ses yeux pendant sa détention.

L'avocat de "Maman" Valérie, Me Jean-Paul Lumbulumbu, affirme s'occuper d'une vingtaine de familles victimes de rapts de mineurs.

Les rapts d'enfant ont commencé à Goma en début d'année, affirme l'avocat, deux vidéos dans son téléphone à l'appui.

Sur la première, cette figure de la société civile conduit un sit-in devant la mairie le 11 août pour demander aux autorités et à la police de se mobiliser contre la délinquance.

Sur la deuxième, l'avocat exprime dans un reportage sa satisfaction après la condamnation à 20 ans de prison de trois ravisseurs. Un des enfants kidnappés aurait été égorgé, ont affirmé les juges pendant le procès, selon le compte-rendu de la radio onusienne Okapi.

Des ravisseurs présumés, dont un photographe connu à Goma, doivent de nouveau comparaître devant la justice. "Dans ce dossier, c'est enlèvement avec mort d'homme", affirme un magistrat.

"Cela fait à peu près un an que ce phénomène a élu domicile dans cette ville", indique une source policière à l'AFP, estimant que " c'est la situation économique qui pousse les gens à se lancer dans de telles pratiques criminelles".

Cartes SIM

La province du Nord-Kivu ne connaissait auparavant que les enlèvements d'adultes par les mutliples groupes armés actifs dans la région.

"Le mode opératoire est toujours le même. On torture l'enfant pour que ses parents donnent quelque chose", confirme la source policière.

La police tente de remonter la piste des ravisseurs en demandant aux opérateurs téléphoniques l'identité des abonnés, qui utilisent des dizaines de cartes SIM pour recevoir les rançons, ce qui leur permet aussi de brouiller les pistes.

La nuit est tombée dans le grand salon de "Maman" Valérie qui n'allume pas la lumière, sans doute faute de moyens. Dans un coin, deux frères et une soeur de Nathanaël jouent à la lumière d'un téléphone portable, en écoutant le récit de leur mère en swahili.

Nathanaël a quitté la maison, pour se reconstruire ailleurs. "Il a repris l'école mais l'enseignant a suggéré qu'il se repose. La nuit, il fait des cauchemars en criant: Achab!", le nom du petit qui aurait été assassiné devant lui.

Avec AFP

XS
SM
MD
LG