A l'appel de la Commission nationale sur les droits de l'Homme et du barreau kényan, plusieurs centaines de personnes se sont réunies lundi matin dans le centre de Nairobi, pour réclamer l'arrêt des "exécutions extrajudiciaires".
Les manifestants exprimaient leur émotion après le meurtre de l'avocat Willie Kimani, de son client Josephat Mwenda et de leur chauffeur de taxi Joseph Muiruri.
Ils devaient ensuite présenter au président Uhuru Kenyatta et au chef de la police, Joseph Boinnet, des pétitions demandant la fin des "disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires par le Service national de police et la justice pour les familles des disparus et des tués".
Certains réclamaient la démission du ministre de l'Intérieur Joseph Nkaissery et de M. Boinnet. D'autres portaient des pancartes avec les photos des trois hommes tués. La plupart avaient revêtu des t-shirts avec l'inscription "arrêtez les exécutions par la police" écrites en lettres couleur sang.
Des marches similaires ont eu lieu à Mombasa (sud-est), Kakamega (ouest) et Kisumu (ouest).
Les trois hommes tués avaient disparu le 23 juin après une audience au tribunal de Makovo, dans la banlieue de Nairobi. Leurs corps mutilés avaient été retrouvés jeudi et vendredi dans la rivière Ol Donyo Sabuk, au sud-est de la capitale.
Les poignets de Me Kimani avaient été attachés, trois de ses doigts coupés et ses yeux énucléés, selon la presse kényane.
Le client du jeune avocat accusait la police de l'avoir harcelé et intimidé afin qu'il abandonne une plainte contre un haut responsable des forces de l'ordre qui, disait-il, lui avait tiré dessus sans raison en avril 2015.
Willie Kimani était spécialisé dans les droits de l'Homme et oeuvrait pour l'organisation américaine International Justice Mission (IJM). Il avait défendu de nombreux prisonniers politiques et des victimes d'abus de l'Etat au Kenya.
Situation intolérable
Trois policiers arrêtés vendredi, le sergent Fredrick Leliman, le caporal Stephen Chebulet et l'agent Silvia Wanjiku, ont été présentés lundi devant un tribunal de Nairobi.
Ce dernier a suivi la requête du parquet demandant leur maintien en détention pendant deux semaines, le temps qu'une autopsie ait lieu et que l'enquête soit menée à son terme.
Les avocats kényans ont annoncé qu'ils seraient en grève cette semaine dans tout le pays pour protester contre l'assassinat de leur collègue.
Trente-quatre organisations internationales de défense des droits de l'Homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont demandé lundi aux autorités kényanes de faire toute la lumière sur ces meurtres.
"Ces meurtres extrajudiciaires sont un rappel effrayant que le droit, durement gagné, de chercher justice pour des violations des droits de l'homme est à nouveau menacé", a déploré Muthoni Wanyeki, directrice pour l'Afrique de l'Est chez Amnesty.
La police kényane est régulièrement accusée de mener des opérations violentes et hors procédure contre des personnes enquêtant sur les abus perpétrés par ses membres.
Le chef de la police, Joseph Boinnet, a rejeté "les affirmations selon lesquelles il y a des escadrons de la mort au sein de la police".
Mais le président du barreau kényan, Isaac Okero, a affirmé que les cas de disparitions forcées et de meurtres non résolus étaient nombreux dans le pays.
"Nous rejetons absolument l'idée que ce qui est arrivé aux trois hommes qui ont disparu la semaine dernière est un cas isolé impliquant quelques officiers ripoux. Beaucoup, beaucoup de Kényans ont disparu et c'est une situation qui est complètement intolérable", a-t-il déclaré.
En mai, l'homme d'affaires kényan Jacob Juma, un critique virulent du gouvernement kényan dont il dénonçait la corruption, avait été exécuté par balles dans sa voiture.
L'opposition avait accusé des "escadrons de la mort" au sein de la police d'être responsables de son décès. Ses assassins n'ont toujours pas été retrouvés.
Ces meurtres inquiètent de nombreux observateurs à l'aube d'une année électorale tendue. Plusieurs diplomates occidentaux craignent que se répète le scénario de 2007-2008, lorsque plus de 1.100 personnes avaient été tuées dans des violences post-électorales.
Avec AFP