"M. Trump, Jérusalem est une ligne rouge pour les musulmans", a averti mardi le président turc Recep Tayyip Erdogan. Président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique, il a précisé qu'un sommet des 57 pays membres, se tiendrait "sous 5 à 10 jours" si Washington reconnaissait Jérusalem comme capitale d'Israël.
L'Union européenne a mis en garde mardi contre les "graves répercussions" d'une telle décision américaine. "Il faut rester concentré sur les efforts pour faire redémarrer le processus de paix et éviter toute action qui saperait ces efforts", selon les services de la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini.
"Tout ce qui contribue à attiser la crise est contre-productif en ce moment", a renchéri le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel. "Une solution à la problématique de Jérusalem ne peut être trouvée que dans le cadre de négociations directes entre les deux parties".
L'Arabie saoudite a exprimé mardi sa "profonde inquiétude" quant à une possible décision de Washington de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël, prévenant qu'elle aurait de sérieuses conséquences sur le conflit israélo-palestinien.
Lundi soir, dans un entretien téléphonique avec M. Trump, le président français Emmanuel Macron a "exprimé sa préoccupation sur la possibilité que les Etats-Unis reconnaissent unilatéralement Jérusalem comme capitale d'Israël".
Les Palestiniens et leurs alliés ont renouvelé mardi leurs mises en garde. Toute reconnaissance par les Etats-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël marquerait "la fin du rôle joué par les Américains" dans le processus de paix, a prévenu un haut conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas, Nabil Chaath. Le chef de la Ligue arabe, Ahmed Abul Gheit, a jugé "dangereuse" une possible décision américaine sur Jérusalem.
La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, avait mis en garde dimanche soir contre "une démarche aux conséquences graves" et les risques d'"escalade".
Jérusalem ou Tel-Aviv
La question est pourtant la même tous les six mois depuis plus de deux décennies: le président américain accepte-t-il de déménager l'ambassade des Etats-Unis en Israël vers Jérusalem, comme le prévoit une loi adoptée en 1995, ou signe-t-il une dérogation pour la maintenir à Tel-Aviv, à l'instar du reste de la communauté internationale?
La nouvelle date-butoir pour renouveler la dérogation tombait théoriquement lundi. Jusqu'ici, les présidents successifs ont choisi la seconde solution.
Malgré sa promesse de campagne en faveur d'un déménagement, M. Trump a fini lors de la précédente échéance en juin par se résoudre à attendre, pour "donner sa chance" à la paix.
"Le président a été clair sur cette affaire depuis le départ: ce n'est pas une question de si (l'ambassade sera effectivement déplacée à Jérusalem), c'est une question de quand", a affirmé lundi Hogan Gidley, un porte-parole de la Maison Blanche, en annonçant que la décision de Donald Trump était reportée. "Aucune action ne sera prise sur la dérogation aujourd'hui (lundi) et nous annoncerons une décision dans les prochains jours".
Mais selon plusieurs observateurs, le milliardaire républicain est tenté par une troisième voie qui pourrait consister à repousser un tel déménagement tout en reconnaissant plus ou moins officiellement Jérusalem comme capitale d'Israël. Il pourrait annoncer son choix mardi ou mercredi, selon des médias et des responsables américains.
Même cette solution de compromis serait un casus belli, ont prévenu ces derniers jours les dirigeants palestiniens, qui estiment que Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1967, doit être la capitale de l'Etat auquel ils aspirent et que le statut de la ville ne peut être réglé que dans le cadre d'un accord de paix avec les Israéliens.
Les Palestiniens étaient déjà échaudés par l'imbroglio de leur mission diplomatique à Washington, que les Etats-Unis ont récemment envisagé de fermer pour des raisons relativement obscures avant d'engager un revirement.
Les islamistes du Hamas ont menacé d'une "nouvelle Intifada" tandis que pour le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, "on a là une occasion historique de réparer une injustice".
C'est un dilemme pour le président des Etats-Unis, qui peine à tenir les promesses du candidat Trump: s'il respecte celles-ci, il risque de faire capoter les efforts de son conseiller Jared Kushner, auquel il a confié la tâche de réconcilier Israéliens et Palestiniens. Une paix indispensable, aux yeux du gendre du milliardaire, pour ramener la stabilité dans la région et souder Israéliens et pays arabes contre un ennemi commun, l'Iran.
Avec AFP