Le 25 janvier, un double attentat à la voiture piégée contre un hôtel fréquenté par des hommes politiques et situé près du Parlement a fait au moins 28 morts.
Sécurité oblige, c'est donc dans un hangar de l'aéroport de Mogadiscio que les 275 députés et 54 sénateurs nouvellement élus choisiront le chef de l'Etat parmi 22 candidats - un candidat s'est finalement retiré mardi -, lors d'un scrutin à plusieurs tours qui marquera la fin d'un processus entaché de nombreuses accusations de corruption et trucage.
Défendu par la mission de l'Union africaine en Somalie (Amisom), l'aéroport international de Mogadiscio est considéré comme le lieu le mieux protégé de la capitale. Il abrite notamment des bureaux des Nations unies, des organisations humanitaires et des ambassades.
Le maire de la ville a lui appelé ses habitants à rester cloîtrés chez eux, alors que plusieurs routes principales étaient bloquées par des buttes de sable et que des soldats lourdement armés patrouillaient les rues.
"Mes enfants n'ont pas été à l'école à cause de l'élection et mon mari, qui travaille en tant que policier, a été de garde ces trois derniers jours", a raconté à l'AFP Samiya Abdulkadir, mère de quatre enfants. "Tout cela prend trop de temps, les gens seront soulagés quand cette comédie dramatique se terminera".
Prévue en août, l'élection du président a été plusieurs fois repoussée. Elle doit clore un processus électoral entamé en 2016 et construit autour du système clanique régissant la société et la politique de ce pays privé de véritable état central depuis la chute de l'autocrate Siad Barre en 1991.
Quelque 14.000 électeurs délégués - sur les 12 millions de Somaliens - ont voté entre octobre et décembre 2016 pour élire les nouveaux députés, parmi des candidats généralement choisis à l'avance par consensus et représentant chaque clan ou sous-clan.
Dans un rapport publié mardi, l'ONG anti-corruption somalienne Marqaati affirme que ce processus est "défiguré par la corruption".
Pas de suffrage universel
Le suffrage universel avait été initialement promis aux Somaliens. Mais cet engagement a été abandonné en 2015 en raison de luttes intestines et de tergiversations politiques combinées à une insécurité chronique due principalement aux islamistes shebab, affiliés à Al-Qaïda, qui contrôlent de larges zones rurales et frappent régulièrement Mogadiscio.
Il s'agit cependant d'une avancée démocratique par rapport aux élections de 2012, lors desquelles 135 "elders" (notables) avaient désigné l'ensemble des députés. L'instauration du suffrage universel est désormais planifiée pour 2020.
L'issue du scrutin de mercredi reste incertaine, tant il est probable que les différents clans ajustent leurs stratégies au fil des tours de vote. Les 22 candidats sont tous des hommes et ont chacun payé des frais d'inscription de 30.000 dollars (28.000 euros).
Quelques candidats se détachent toutefois, dont l'actuel président Hassan Sheikh Mohamud, 61 ans, ancien universitaire et activiste de la société civile, issu du clan Hawiye, l'un des principaux clans somaliens.
Son prédécesseur à la présidence, Sharif Sheikh Ahmed, 52 ans, est lui aussi candidat. Egalement issu des Hawiye, il est un ancien chef de l'Union des tribunaux islamiques de Somalie dont les shebab sont issus.
Les principaux candidats d'un autre grand clan, les Darod, sont l'actuel Premier ministre Omar Abdirashid Ali Shamarke, 56 ans, et l'ancien Premier ministre Mohamed Abdullahi Mohamed 'Farmajo', 55 ans. Les deux hommes ont une double nationalité, ayant vécu pendant des années respectivement au Canada et aux Etats-Unis.
La Somalie est plongée depuis près de trois décennies dans le chaos et la violence entretenus par des milices claniques, des gangs criminels et des groupes islamistes. La dernière élection véritablement démocratique remonte à presque 50 ans, en 1969.
La semaine dernière, le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a par ailleurs mis en garde contre une "possible famine", provoquée par une sécheresse particulièrement sévère et qui menace quelque 3 millions de Somaliens.
Après deux saisons des pluies pauvres en précipitations, les travailleurs humanitaires redoutent le retour d'une sécheresse aussi dévastatrice que celle de 2010-2011, qui avait fait 250.000 morts.
Avec AFP