L'assaut, lancé mardi matin, a provoqué au moins trois morts dans cette commune de 100.000 habitants, située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale Managua et devenue l'épicentre des violences.
Masaya, connue historiquement pour sa combativité, s'était déclarée lundi en rébellion contre le président Daniel Ortega. Le lendemain, des agents anti-émeutes et des groupes paramilitaires sont arrivés dans la commune, fortement armés, vêtus de noir et encagoulés.
Mercredi, alors que résonnaient encore des tirs d'armes à feu et de mortiers artisanaux, proches et voisins enterraient les corps des trois dernières victimes.
"C'est horrible, on ne peut plus vivre en paix, les gens sont en train de mourir à cause de ce gouvernement qui ne peut pas partir", a confié à l'AFP Ramona Aleman, femme au foyer de 40 ans, au cimetière du nord de Masaya où l'on enterrait Marvin Lopez, tué d'une balle dans la gorge, dont le cercueil a été recouvert du drapeau national.
Edgar Taleno, charpentier de 35 ans, a raconté comment, avec ses camarades, il a dû se faufiler pour échapper aux tirs afin d'évacuer le corps de Marvin Lopez.
"C'est l'anarchie totale, nous demandons à la communauté internationale de nous soutenir. Ici on ne peut plus vivre, il sont en train de massacrer un peuple sans armes", a-t-il témoigné.
A l'enterrement, les participants ont chanté l'hymne national et crié "assassins" contre le gouvernement, lançant des tirs de mortiers artisanaux en hommage aux victimes.
Dans la ville, les agents anti-émeutes enlevaient avec des pelleteuses les barricades montées par les habitants.
- Hôtel incendié -
Des groupes de partisans du président Ortega ont incendié mercredi l'hôtel Masaya, a dénoncé devant la presse Cristian Fajardo, l'un des meneurs du mouvement d'étudiants, dont la famille possède l'établissement.
"Ils sont entrés, ils ont versé de l'essence à l'intérieur, ils ont roué de coups mon oncle pour le faire sortir et lui ont frappé la tête avec les crosses des fusils AK47 qu'ils portaient", a-t-il affirmé.
Des fusillades et attaques à main armée ont aussi été signalées par la population dans les villes de Jinotepe, Leon, Matagalpa et Esteli.
"Ce sont des situations de violence extrême où les limites sont déjà dépassées", a dénoncé à l'AFP Marlin Sierra, directrice exécutive du Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh), qui a dénombré 187 morts et plus de 1.000 blessés en deux mois.
La vice-présidente Rosario Murillo, épouse du président, a prévenu que son mari - ex-guérillero de 72 ans au pouvoir depuis 2007 après l'avoir déjà été de 1979 à 1990 - est "déterminé à freiner cette vague terroriste, de crimes haineux, d'enlèvements, de menaces et d'intimidation".
"Nous voyons qu'il y a une volonté politique de l'Etat de pousser vers une guerre civile", a réagi Marlin Sierra.
- "SOS pour le Nicaragua" -
L'assaut sur Masaya est survenu au lendemain de la suspension par la Conférence épiscopale (médiateur du conflit) du dialogue entre les deux parties, qui devaient notamment aborder l'organisation d'élections générales anticipées en mars 2019 (au lieu de fin 2021) dans ce pays, le plus pauvre d'Amérique centrale.
"L'Union européenne, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et la CIDH (Commission interaméricaine des droits de l'homme) ont informé les évêques nicaraguayens qu'ils ont officiellement reçu les invitations respectives du gouvernement", a déclaré sur Twitter Mgr Silvio Baez, l'évêque auxiliaire de Managua.
Ces invitations, envoyées aux organismes internationaux pour qu'ils puissent enquêter au Nicaragua, étaient une des exigences de l'accord conclu vendredi dernier.
A Genève, trois militants nicaraguayens ont dénoncé mercredi, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, l'attitude du président Ortega. Marcos Carmona, président de la Commission permanente des droits de l'homme (CPDH) du Nicaragua, a lancé un appel à la communauté internationale: "Les Nicaraguayens sont totalement impuissants et nous lançons au monde un SOS pour le Nicaragua. Nous ne voulons plus de bains de sang".
L'ONU, le Parlement européen ou encore Amnesty international et le département d'Etat américain ont dénoncé la répression exercée par les forces de l'ordre.
Carlos Trujillo, représentant de Donald Trump auprès de l'Organisation des États américains (OEA), devait rencontrer le président Ortega après avoir vu l'opposition.
Les manifestations ont démarré le 18 avril, au départ contre une réforme de la sécurité sociale - depuis abandonnée - avant de devenir un vaste mouvement pour réclamer plus de libertés et exiger le départ du président Ortega.
Avec AFP