"Je déclare la séance ouverte", a annoncé le président du Tribunal suprême fédéral (STF) Ricardo Lewandowski, rappelant aux sénateurs qu'ils se transformaient pour l'occasion en juges et devaient laisser de côté leurs "positions idéologiques et partisanes".
Les 81 sénateurs brésiliens décideront d'ici le 31 août si l'ex-guérillera de 68 ans doit ou non quitter la présidence pour avoir maquillé les comptes publics et signé des décrets engageant des dépenses sans l'accord du Parlement.
La destitution de la première femme à la tête du Brésil mettrait fin à 13 ans de gouvernement du Parti des Travailleurs (PT), fondé par l'ex-ouvrier devenu président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), parrain politique de Mme Rousseff.
Il a incarné un Brésil en plein boom socio-économique, qui a sorti près de 40 millions d'habitants de la misère grâce à un cycle économique favorable et des programmes sociaux en faveur des plus démunis.
Cette époque semble révolue. Quatre années de piètre croissance ont suivi jusqu'à la récession en 2015, l'augmentation du chômage (11 millions de demandeurs d'emploi), l'inflation repartie à la hausse et un déficit budgétaire de plus de 45 milliards de dollars.
La confiance dans le pays s'est écroulée pendant qu'une crise politique éclatait, émaillée de graves scandales de corruption.
- Sondages favorables à la destitution -
Les Brésiliens eux-mêmes semblent désabusés: "Je ne sais même pas si Dilma est déjà destituée ou si elle est encore présidente", confie, à Sao Paulo, Miralva de Jesus Santos, couturière au chômage de 58 ans. "Et je ne sais pas non plus si avec ou sans elle, cela fera beaucoup de différence pour nous".
Le procès de Mme Rousseff s'ouvre quatre jours après la clôture des jeux Olympiques de Rio que Lula avait grandement contribué à organiser au Brésil.
C'est le vice-président de Mme Rousseff, Michel Temer, qui assure l'intérim depuis qu'elle a été écartée du pouvoir le 12 mai par un vote de plus des deux tiers des sénateurs. Il la remplacera jusqu'à la fin de son mandat fin 2018 si elle est destituée.
Les sondages indiquent une nette tendance en faveur de la destitution qui requiert une majorité de 54 voix (les deux tiers des sénateurs). Lors d'un vote la 9 août, qui décidait ou non de mener la procédure jusqu'au bout, 59 sénateurs avaient voté pour.
"Nous devons garder espoir", a lancé mercredi soir Mme Rouseff, entourée de ses partisans dans un petit théâtre de Brasilia, promettant de se battre "avec la même force que quand j'ai lutté contre la dictature militaire".
Elle assurera elle-même sa défense devant les sénateurs le lundi 29, avant les longs débats et le vote.
La dirigeante de gauche dénonce un coup d'Etat parlementaire orchestré par Temer du PMDB (centre droite), son ex-allié aujourd'hui son rival.
- Problèmes identiques -
Après s'être plaint d'être réduit au rôle de "vice-président décoratif", M. Temer a profité d'une poussée conservatrice au Parlement qui gagnait en force à mesure que la grogne sociale montait.
La crise politique a été aggravée par le scandale de corruption au sein du géant public pétrolier Petrobras qui a éclaboussé toute la classe politique, dont le PT et Lula, inculpé de tentative d'entrave à la justice.
Impopulaire (13% de soutien), si Mme Rousseff est destituée, elle ne pourra plus occuper de fonctions publiques pendant huit ans. Si elle est innocentée, cette économiste retrouvera son mandat.
Sa défense soutient qu'il n'y a pas de preuves concrètes pour la condamner et que tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces "pédalages budgétaires".
M. Temer prendrait la tête du pays avec des problèmes identiques à ceux de sa rivale: la même impopularité (14% de soutien), un parti impliqué dans la corruption de Petrobras et une économie en récession qui l'obligera à prendre des mesures impopulaires d'ajustement budgétaire.
Mme Rousseff avait tenté de couper dans les dépenses au début de son deuxième mandat en 2014 s'attirant les foudres de ses sympathisants.
Des 81 sénateurs jugeant Dilma Rousseff, plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou font l'objet d'une enquête.
Avec AFP