"Je fais du judo depuis tout petit, j'aime ça et je veux faire partager ma passion", explique avec sérieux Nassim Loukam, 12 ans, ceinture bleue de l'Etoile sportive de Blanc-Mesnil (ESBM), une banlieue parisienne émaillée de cités, de tours et de logements sociaux.
La classe de l'école maternelle du village de Khamliya a été interrompue pour l'occasion. Pieds nus, les tout-petits se laissent entraîner dans des jeux d'initiation sur le dojo improvisé.
Nassim est très content de leur montrer quelques prises pour "les pousser à faire du judo". Il a été invité dans le sud du Maroc avec trois autres élèves de l'ESBM pour suivre un raid équestre et découvrir les métiers du cheval, un voyage offert par une association caritative parisienne.
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Le garçon connaissait déjà le Maroc, où il vient chaque année passer des vacances en famille dans le nord, région natale de ses parents. Il n'avait, en revanche, "jamais vu le désert, jamais voyagé en voiture tout terrain".
'Confiance, concentration, équilibre'
Kader Benabdeli, le professeur de judo qui accompagne le petit groupe, tenait à ce que "cette expérience exceptionnelle soit aussi une occasion de générosité et de solidarité".
Cet informaticien d'origine algérienne, qui a lui aussi grandi dans en banlieue en France, dit avoir "tout appris avec le judo": "confiance en soi, concentration, équilibre".
A 38 ans, il consacre son temps libre au club de l'ESBM pour "transmettre ce qu'il a appris aux jeunes du quartier, les aider à grandir".
Les quatre heureux élus choisis pour le voyage au Maroc sont "ses élèves les plus motivés et les plus assidus".
"C'est important qu'ils puissent montrer ce qu'ils savent faire et qu'ils en soient fiers, c'est l'idée de cette démonstration: leur faire comprendre qu'eux aussi ont des choses à partager", dit-il.
Les judokas de Blanc-Mesnil ont apporté avec eux des kimonos et des survêtements collectés avant leur départ pour les distribuer et "pousser les enfants à faire du sport", comme l'explique Kader.
Les jeunes Français ont été très surpris de découvrir l'école maternelle, un réduit sombre décoré de dessins où les enfants âgés de 3 à 5 ans se serrent autour de bureaux minuscules.
"Je ne croyais pas que leur classe serait si petite, ce n'est pas comme en France", s'étonne Salma, 12 ans. "On se plaint parfois parce qu'on n'est pas content, mais il y a des gens qui vivent moins bien que nous", renchérit Nassim.
'Pigeons des sables'
Célèbre pour sa musique traditionnelle, Khamliya est pourtant un des villages les plus touristiques de la région de Merzouga.
La musique spirituelle gnaoua et ses rythmes lancinants attirent des visiteurs de toutes nationalités. Comme les dunes, le "village des Noirs" est un incontournable des circuits du sud marocain.
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Ses habitants, descendants d'une tribu d'anciens esclaves, ont créé leur groupe musical, "Les Pigeons des sables", et organisent un festival annuel de musique gnaoua. Une petite salle de concert a été aménagée dans une des maisons de torchis, et le village propose des séjours dans des grandes tentes, à proximité des palmiers de l'oasis.
"On a beaucoup de visiteurs, certains apportent des aides matérielles, d'autres des livres, aujourd'hui on nous a donné des vêtements de sports. C'est bien pour les enfants", dit Rkia Bougnig, une des deux jeunes institutrices, timide et souriante sous son foulard coloré.
Installé à l'ombre des arcades de la place du village, Mohamed Oujeaa, le président de l'association culturelle locale, n'avait "jamais vu de judo, sauf à la télévision".
Il a beaucoup apprécié la démonstration et la distribution de cadeaux. Selon lui, "ça va encourager les enfants à venir à l'école et à avancer dans leurs études".
Des touristes, surpris de voir des judokas en kimono dans ce village traditionnel du désert, s'empressent d'immortaliser l'instant par une rafale de photos.
Avec AFP